«Les oiseaux des cieux, et les animaux qui sont dans la terre et au-dessus de la terre et les poissons dans la mer, ce sont eux qui vous conduisent vers le Divin». “Papyrus d’Oxyrhynchus” (Fragments Gnostiques en langue Grecque).
Les essais de la Métahistoire associent la recherche historique et la mythologie avec, en plus, des éléments imaginés par l’auteur. J’extrapole, à partir de sujets vérifiables et validés, des propositions imaginaires qui ne peuvent être authentifiées qu’en les vivant, qu’en les expérimentant pour découvrir comment elles fonctionnent. Ainsi, dans mon argumentation sur le Mythos de Sophia, je cite les témoignages écrits relatifs à ce mythe – à savoir les sources Coptes et la littérature patristique – j’en présente les parallèles mythiques, littéraires, poétiques et symboliques, mais parfois aussi, j’extrapole à partir du mythe (aussi prudemment et sobrement que je le puisse). Ce faisant, je vais au-delà des témoignages écrits mais sans les contredire ou les invalider. Il est évident que cette démarche n’est pas aisée. Parfois, je m’en sors bien et parfois, non. Je m’enlise occasionnellement dans ce processus, comme une ballerine qui danserait avec des raquettes de neige dans une flaque de mélasse.
La finalité de mes extrapolations est d’élaborer un thème de sorte qu’il puisse dynamiser le potentiel humain, et qu’il puisse être vécu, dans le quotidien. Nous pourrions appeler ce processus une mythologie dynamique. En sus de ces extrapolations, je m’aventure également à établir des corrections dans la narration mythique ou dans la façon dont elle est interprétée. Cette démarche est essentielle parce que certains mythes ont été corrompus au fil du temps, et parce que les thèmes et emblèmes mythiques ont été intentionnellement piratés (cooptés, pour parler poliment) afin de servir à des fins contraires à leur signification authentique. Un exemple de piratage est l’identification du solstice d’hiver – une célébration traditionnelle associée à la naissance des dieux solaires Païens tel que Mithras – avec la naissance même de Jésus, le sauveur Chrétien. Un autre exemple, associé à Noël, est celui du Père Noël, habillé de rouge et de blanc, qui descend dans les cheminées, comme tout un chacun le sait. Ces détails folkloriques sont partiellement corrompus et partiellement empruntés aux traditions shamaniques dans lesquelles le shaman qui consomme de l’amanite rouge et blanche (Amanita muscaria, l’Amanite tue-mouche) vole magiquement dans les cieux, grimpe par une échelle vers les étoiles, etc. Le traîneau du Père Noël est tiré par des rennes car ces animaux sont connus pour consommer les mêmes champignons psychotropes. Ces champignons rouges, ponctués de blanc, qui sont encore utilisés dans le décor de Noël partout dans le monde, sont, sans erreur possible, des replicas d’amanites.
Corriger la mythologie populaire de Noël, c’est en restaurer les valeurs originelles et c’est rétablir les références authentiques de ses images et de ses symboles. La correction et la restauration vont de pair. Dans le mythe Gnostique, la déesse Sophia plonge du Plérome (le centre cosmique) et se métamorphose en la Terre. Elle devient la planète même sur laquelle nous demeurons. Cet événement est clairement décrit dans les paraphrases du père de l’église Irénée mais il en est pour ainsi dire absent des écrits Coptes qui ont survécu. Il n’existe aucun récit originel, qui ait été retrouvé, de la métamorphose de Sophia en la Terre (epistrophe, en Grec). De plus, ce qui est pire, l’interprétation conventionnelle du mythe Gnostique de la chute de la déesse, répétée et validée par la plupart des érudits, affirme de façon erronée que le Démiurge, le souverain des Archontes, crée le monde matériel. Cette interprétation est à la source de la doctrine Manichéenne du rejet du monde, une version du concept de dualité de source unique et divisée. Sur mon site et dans mes écrits publiés, et particulièrement dans mon ouvrage “Pas en Son Image”, je tente de corriger cette interprétation et de restaurer la structure authentique et cohérente du mythe de Sophia.
L’Esprit de la Nature Sauvage
En ce qui concerne la correction des mythes, aucun sujet ne présente plus de difficultés que celui du Mesotes, cette entité mystérieuse qui est mentionnée plusieurs fois dans les manuscrits Gnostiques qui ont survécu. Le mot Grec “mesotes”, également épelé “mijotes”, est un néologisme que l’on retrouve dans “l’Apocryphe de Jean” et dans certains écrits qui ne sont pas originaires de Nag Hammadi, tel que la “Pistis Sophia”. Mesotes signifie “médiation, intermédiaire”. La construction du mot suggère “à moitié joint” ou “à moitié réuni”. Mais quels sont les éléments joints?
Selon le “Second Traité du Grand Seth” (NHC VII, 2, 66.3-8) «nous atteignons à la complétude de notre être ineffable par un code vivant en réalisant l’union parfaite au travers du Mesotes, par l’intermédiaire de Jésus». Le Copte “MESOTES NTE IS” est généralement traduit par “l’intermédiaire de Jésus”. Les lettres Coptes “IS”, écrites avec une ligne au-dessus sont un code avec une signification précise. Selon l’orthodoxie, IS est rendu comme I(eseu)S, la façon Grecque d’épeler le mot Hébraïque Yeshua. C’est une manière de décoder IS, mais ce n’est pas la seule… MESOTES apparaît également sans le NTE IS, “de Jésus”.
Deux questions se posent immédiatement: Que représente le Mesotes et quelle est sa relation avec le Jésus historique?
En ce qui concerne la première question, nous avons une réponse courte et une réponse longue. La réponse courte est la suivante: le Mesotes est le Manitou des traditions shamaniques Amérindiennes. C’est une entité surnaturelle puissante qui apparaît traditionnellement aux Indigènes qui font l’expérience d’une quête visionnaire dans la nature sauvage. En fait, la quête de vision n’est pas complète, et couronnée de succès, à moins que l’aspirant ne fasse la rencontre du Manitou ou d’un animal de pouvoir envoyé par le Manitou. Dans un certain sens, le Manitou assume lui-même les traits d’un animal particulier. Le Manitou est l’esprit de la nature sauvage et la matrice des animaux de pouvoir.
Le mot Manitou prend son origine dans le langage des Algonquins, natifs du Manitoba au Canada. En fait, l’état du Manitoba est nommé d’après cette entité. C’est le pays du Manitou. Gitche Manitou signifie “Grand Esprit” en Algonquin mais “Grande Connexion” serait plus proche du sens originel de ce terme. Il est à noter que “connexion” résonne avec la notion de Mesotes en tant qu’intermédiaire, à savoir une entité qui connecte. Le concept d’un esprit sauvage, majestueux et source de connexion n’est pas spécifique aux nations Algonquines. C’est un concept universel dans toutes les traditions tribales des Amériques telles que celles des “Anishinaabe”, un nom que s’est donné une vaste population de tribus indigènes d’antan, comprenant les Odawa, les Ojibwe et les Algonquins de l’Amérique du nord. (Les Ashaninka du Brésil ont un nom qui ressemble à celui des Anishinaabe. Ce nom signifie simplement “le peuple premier ou originel”.)
Chez les Peuples Iroquois, le Manitou était une divinité suprême associée aux pouvoirs de guérison de l’eau. Selon les Iroquois, les herbes médicinales croissent là où le Manitou les a plantées. Chez les Sioux Lakota, la Femme Bison Blanc semble être un avatar féminin du Manitou. Dans d’autres groupes linguistiques, l’Esprit de la Nature Sauvage est plus communément appelé Wakan, Wakanda, Wakan Tanka, termes qui signifient “esprit divin, esprit puissant ou esprit médecine”. Les Iroquois dénomment cette entité Orenda.
De nombreuses personnes, non-indigènes, considèrent “Black Elk Speaks”, écrit par John G. Neihardt, comme l’ouvrage classique sur la quête de vision de l’Amérique Indienne. Dans ce livre, Black Elk (1863-1950), un homme médecine des Sioux Oglala, raconte l’expérience visionnaire puissante qu’il vécut à Harley Peak en 1931. Il voit de nombreux chevaux, dans une formation semblable à un mandala, qui se tiennent devant le concile des Six Grand-Pères, aperçoit un aigle tacheté et entend une voix puissante qui s’adresse à lui du centre du monde. La vision de Black Elk a été largement considérée comme le parangon d’une quête visionnaire Indigène. Il ne décrit pas la rencontre avec une présence surnaturelle singulière et il n’attribue pas non plus de nom qui puisse correspondre au Manitou. La présence de cette entité semble se faire connaître dans la Voix qu’il entend. (Black Elk on Harley Peak, dans “Black Elk Speaks”).
On trouve dans l’ouvrage “Lame Deer – Seeker of Visions”, rédigé par John Fire Lame Deer et Richard Erdoes, un autre récit de la quête visionnaire Amérindienne qui est moins connu mais plus précieux (à mon avis) et peut-être plus authentique. Dans le langage tribal de Lame Deer, Wakan Tanka est la force la plus sacrée à l’oeuvre dans la nature. «Les dieux sont des êtres séparés mais ils sont tous unis dans Wakan Tanka» (page 102). Il ne confère pas de nom particulier au Manitou mais il établit une curieuse corrélation: «Inyan Wasican Wakan – l’Homme Sacré à la Pierre Blanche – c’est celui que nous appelons Moïse», dit-il. Cette étrange affirmation montre comment un élément Chrétien absorbé par des peuples Indigènes peut être interprété en fonction de leur propre expérience spirituelle, sans perte de valeur pour eux, bien qu’une telle interprétation dissocie l’élément interprété de son contexte originel.
Pour que Lame Deer comprenne ce que Moïse aurait pu être, il doit imaginer le personnage biblique comme une entité surnaturelle qui lui est déjà familière. Ce faisant, il fait complètement abstraction de la description Chrétienne de Moïse. En d’autres mots, Lame Deer corrige la mythologie reçue selon les critères de son propre vécu traditionnel.
Les personnifications du Manitou sont trop nombreuses pour qu’on les décrive ici. Cependant, il est important de remarquer que les Algonquins associent l’Esprit de la Nature Sauvage avec un vaste entourage de manitos, ou esprits inférieurs, qui demeurent dans les minéraux, dans les plantes et dans les animaux du monde naturel. Chacun de ces esprits inférieurs est un organe, ou un instrument du Manitou, présent en tout. Les manitos communiquent principalement au travers des animaux et des plantes. (John Bierhorst, “The Mythology of North America”, page 220). Les “santos niños”, de la shamane Mazatèque Maria Sabina, appartiennent à cette famille d’alliés spirituels. Plus spécifiquement, les “santos niños” sont les esprits des champignons sacrés du genre Psilocybe qui communiquent, guident et guérissent. Généralement parlant, ce sont toutes sortes d’intelligence surnaturelle, sous les traits d’une plante ou d’un animal, qui interagissent avec les êtres humains afin de faciliter la connexion entre l’humanité et le monde naturel. Les manitos sont des médiateurs.
Dans une tradition sacrée très éloignée des Amériques, le Manitou apparaît sous les traits de Manu, une sorte de guide surnaturel dans la mythologie Hindoue. L’enseignement théosophique, dérivé des traditions Brahmanes, identifie le Manu avec le Noé de la Bible et d’autres personnages mythiques associés à la mythologie du Déluge – en écho, peut-être, aux traditions Iroquoises qui voient dans le Manitou celui qui contrôle “les eaux de guérison”. Bien que la corrélation Manu-Manitou soit valable en termes généraux de mythologie comparée, elle ne résiste pas à une analyse plus affinée. Le Manu est un personnage hiérarchique mâle dont la fonction est de guider l’espèce humaine au travers des transitions entre les Ages Zodiacaux, ou Kalpas, les ères de temps cosmique. Une telle fonction ne semble pas impliquer beaucoup de liens avec la nature, ou le monde naturel, alors qu’il en est tout autrement pour le Manitou et ses diverses manifestations. Le Manu semble être un personnage Manitou qui a perdu sa valeur Indigène en tant qu’Esprit de la Nature Sauvage et qui s’est transformé en un fondement et un archétype d’ordre patriarcal. Un emblème d’autorité théocratique, pour ainsi dire.
Do Kamo
La racine “man” se retrouve partout au monde, toujours en connexion avec la notion de présence spirituelle ou de pouvoir sacré vécu (et non seulement conçu) de façon animiste. Dans la tradition Celtique, Manannan, le fils de la Déesse rivière Danu, est un personnage de type Manitou qui préside sur les eaux sombres du monde inférieur – ce qui rappelle, de nouveau, le motif Iroquois. Son homologue, en Pays de Galles, est Manawyddan, imaginé sous les traits humains d’un sorcier ou d’un poète. Dans la religion Romaine, Manes était le nom générique donné aux esprits des défunts. Le terme vient de l’Etrusque Mantus, un esprit du monde inférieur. (Les Romains empruntèrent une grande partie de leur tradition aux Etrusques qu’ils subjuguèrent).
Le terme “animisme” fut introduit par l’anthropologue E. B. Tylor dans sa théorie de l’origine de la religion (“Primitive Culture”, 1871). Tylor découvrit le terme Mana dans les langues des cultures Océaniques de la Mélanésie, de la Polynésie, et de la Micronésie. Ce terme désigne une force ou une qualité impersonnelle et omniprésente qui demeure chez les humains, chez les animaux et dans les objets inanimés et qui suscite un sens de respect ou d’émerveillement chez ceux qui s’y relient. Dans le jargon des anthropologues, Mana est devenu le terme généraliste pour le Sacré appréhendé dans une perspective animiste.
La généralisation de Mana, par Tylor, permet une reconnaissance officielle de l’animisme mais tend à obscurcir le fait que Mana est toujours perçu par les peuples Indigènes d’une manière vivante et concrète, et jamais de façon abstraite. Bien que l’on puisse identifier des personnages de type Manitou dans les cultures Océaniques, la tendance prévalente, dans cette partie du monde, est de caractériser Mana par des animaux ou des plantes totémiques. Hainuwele, la vierge divine, dont le nom signifie “frondaison du cocotier”, offre un exemple remarquable de cette inclination. Chez les peuples de West Ceram en Nouvelle Guinée, Hainuwele est une Dema, ou “esprit vierge” de la nature, dont le mythe complexe narre comment elle devint la plante totémique du peuple. La tendance à communier avec la présence sacrée du Manitou, au travers de l’alimentation, est très ancienne et antérieure à l’Esprit de la Nature Sauvage tel qu’il est connu dans les Amériques (voir Joseph Campbell “Primitive Mythology”).
Chez les Kanaks de Nouvelle Calédonie, la présence du Sacré sous ses formes totémiques et animistes est étroitement corrélée avec la qualité de “do kamo”, l’authenticité. En 1947, l’anthropologue Maurice Leenhardt publia “Do Kamo – Person and Myth in Melanesian Society”, ouvrage dans lequel il expliqua que ce concept décrivait le sens Indigène de la dignité propre à l’espèce humaine. Selon Leenhardt, qui était considéré comme un pionnier de la méthode “d’observation participative”, do kamo est l’expression, en Kanak, de ce qui est perçu comme intrinsèquement humain parce que conférant des qualités de clarté, de tendresse, de compétence et de synchronisation. Les Kanaks disent pouvoir percevoir l’authenticité selon la façon de tenir un yam ou de pagayer dans un canoë.
Dans la vision Indigène, l’authenticité propre à l’humain requiert d’être conscient de la présence du Sacré. L’identification totémique, et l’ingestion rituelle du Manitou, est une forme de participation mystique tandis que la rencontre avec l’Esprit de la Nature Sauvage, durant la quête de vision, en est une autre. Dans les deux cas, la Présence du Sacré jaillit de la nature et imprègne ses témoins humains d’un sens juste et harmonieux de la dignité humaine. La quête de vision des Amériques est une rencontre directe avec l’Esprit de la Nature Sauvage, le Manitou, qui non seulement confère au participant une sagesse visionnaire mais qui l’imprègne d’un sens de l’humanité qui est approfondi et plein de compassion.
Don Génétique
Si ces comparaisons sont correctes, nous pouvons espérer que la rencontre avec le Mesotes puisse générer également un juste sens de l’humanité. Et cela semble très plausible si nous lisons, en profondeur, les écrits Gnostiques. “Le Second Traité du Grand Seth” (NHC, VII, 2), cité en début de cet essai, déclare: «nous atteignons à la complétude de notre être ineffable par un code vivant en réalisant l’union parfaite au travers du Mesotes, la connexion de celui qui guérit (Iasus)».
Comme tant de passages des traductions lourdes en Copte des soit-disant “originaux Grecs” des écrits Gnostiques, celui-ci contient une suite de référents non déterminés: “être ineffable”, “complétude”, “code vivant”, “union parfaite”. Qu’est ce qui est ineffable? Complétude dans quel sens? Quelle sorte de code? Union parfaite? Cette dernière expression pourrait aussi être traduite par “unité pure”. Mais union avec quoi, union dans quel sens?
Rappelons que le néologisme Mesotes signifie littéralement “demi-joint” qui est mieux traduit par “intermédiaire”. Un intermédiaire réunit deux choses. Le Mesotes réunit l’humanité, en tant qu’espèce, à toutes les autres espèces. Ceci est “l’unité pure” qui peut être réalisée lors de la rencontre avec le Manitou, l’Esprit de la Nature Sauvage. La phrase “atteindre la complétude” utilise “teleios”, la forme adjectivale de “telos”, le but, la finalité. Les écrits de Nag Hammadi – tout autant que “l’Evangile de Marie” qui n’en fait pas partie – qui contiennent des enseignements attribués à Marie Madeleine, utilisent les termes “PITELEIOS RHOME”, “l’humanité parfaite”. J’ai proposé que le terme “ultime” soit plus fidèle au message originel des maîtres Gnostiques que le terme “parfait”. La perfection ne peut pas être atteinte, en termes humains, mais le potentiel humain peut être finalement accompli, amené à un niveau optimal. C’est ce que veut dire “prospérer, être florissant”. L’épanouissement était le but (telos) de l’éducation et de l’apprentissage Gnostiques fondés sur les voies initiatiques des Mystères.
Le potentiel de notre espèce est inscrit, encodé, dans le génome humain, “un code vivant”. Chacun de nous porte, en partage, une partie du génie de l’espèce, sous forme de don génétique qui est distinct de l’héritage génétique provenant de la lignée familiale. Le don génétique, l’être ineffable, est un transfert phylogénétique de l’expérience de l’humanité dans son ensemble. Comme tel, il transcende et neutralise tout trait que nous héritons de nos liens de sang familial. Il est connecté avec le sens d’une mission, d’une vocation.
Phylogenèse: le processus d’évolution d’une espèce sur le long terme, qui se différencie du développement à court terme d’un individu membre d’une espèce (ontogenèse).
Transfert phylogénétique: le don, à un membre individuel d’une espèce, de capacités et d’intelligence émanant de l’expérience à long terme de l’espèce plutôt que de l’héritage familial – le génome propre à l’humanité.
Le Mesotes-Manitou possède une double fonction: d’une part, faire la médiation entre l’espèce humaine et toutes les autres espèces et, d’autre part, au travers de la “connexion qui guérit”, générer en nous le sens profond de notre humanité, incluant le sens de notre participation au génie propre à notre espèce. On ne peut qu’insister sur la complémentarité de ces deux fonctions.
PITELEIOS RHOME est l’expression complète, ou ultime, du potentiel humain qui peut être réalisée lorsque nous possédons et faisons évoluer le don génétique, le génome humain. Les Gnostiques utilisaient le terme Anthropos pour le génome humain, le prototype ou la matrice de notre espèce. C’étaient des initiés et des enseignants qui utilisaient la vision mystique, et la connaissance initiatique, pour faire fructifier le don génétique de leurs étudiants. Dans les cultures Indigènes des Amériques, les jeunes membres de la tribu faisaient l’expérience d’une quête de vision pour les mêmes raisons: pour être initié par l’Esprit de la Nature Sauvage. Lorsque la quête était couronnée de succès, ils retournaient à la tribu avec une conscience accrue de la connexion entre les espèces ainsi qu’une perception approfondie de leur mission spécifique au sein de la société. Chez les Amérindiens, la quête de vision suscite un sens de responsabilité envers toute la tribu ou la “nation”, ainsi que l’a clairement explicité Black Elk.
L’adolescent qui retourne vers la société ordinaire, à la suite des épreuves non-ordinaires de la quête de vision, n’est pas supposé répondre aux attentes de ses parents mais bien plutôt de réintégrer la communauté avec le sens d’une mission plus universelle et transpersonnelle. Aucune tradition ne rapporte que le sens de la mission acquis, durant la quête de vision, doive se conformer aux obligations parentales ou familiales. L’accomplissement de ces obligations relève d’un engagement personnel qui n’a rien à voir avec ce qui émerge lors de la rencontre avec le Manitou, l’Esprit de la Nature Sauvage. Le transfert phylogénétique transcende toute sorte de continuité ou d’obligations parentales ou familiales. Dans la vision la plus large, il confère à la personne individuelle un sens de solidarité avec la tribu humaine, avec l’espèce dans son ensemble – c’est la connexion entre le soi et l’espèce décrite dans le chapitre 23 de mon ouvrage “Pas en Son Image”, avec une référence complète au Mesotes. Il faut comprendre que la relation soi-espèce ne prend tout son sens qu’au sein de la connexion entre toutes les espèces. Le Mesotes consolide ces deux connexions.
Laissés à nos propres artifices et dépourvus d’une relation d’empathie avec les autres espèces non-humaines, nous ne pouvons pas même savoir ce que cela signifie d’être humains.
Animal de Pouvoir
Tout ce que l’on vient d’évoquer constitue la réponse rapide à la question de savoir ce que représente intrinsèquement le Mesotes Gnostique. (Pour une réponse plus longue, voir la fin de ce chapitre). Abordons maintenant la seconde question: Comment le Mesotes des écrits Gnostiques pourrait-il être corrélé au Jésus de la foi Chrétienne? Le Copte MESOTES NTE IS est traduit par “l’intermédiaire de Jésus”, comme nous l’avons déjà indiqué. Cela suggèrerait une corrélation étroite, sinon une identification, entre la présence surnaturelle du Mesotes et l’homme Jésus, ou peut-être le Christ surnaturel demeurant en l’homme, selon la vision conventionnelle de l’incarnation.
Peut on légitimement considérer le Mesotes comme la Présence de Jésus en l’homme? Ou peut-être une sorte d’Incarnation dans le règne de la nature sauvage, non-humaine?
Cela donnerait certainement un grand coup de pouce au Christianisme de considérer ainsi le Mesotes. Cela pourrait, au moins, déjà élargir la foi Chrétienne au-delà de son cadre restrictif anthropocentrique. Nous pourrions, si nous le voulions, considérer Jésus de cette façon. Si nous paraphrasons Lame Deer sur Moïse: «Le Mesotes – l’Esprit de la Nature Sauvage – c’est ce que nous, les peuples indigènes, voyons dans ce que vous appelez Jésus». Il faut cependant préciser que cette réponse ne légitime pas nécessairement le Jésus du Nouveau Testament qui est présumé, selon les croyants, avoir réellement vécu en tant que personne historique et qui pourrait avoir été le Fils de Dieu, une incarnation divine dans un corps humain qui mourut d’une mort humaine et fut ressuscité, etc, etc, etc. En fait, cette réponse rectifie le personnage mythologique de ce nom et réhabilite sa valeur originelle et non pervertie. Pour fonder cette réhabilitation, il nous faut préciser que IS dans le code Copte fait référence à Iasus, le guérisseur, plutôt qu’à Jésus de Nazareth, le personnage prétendument historique. Cette personne particulière – considérée soit comme un personnage historique soit comme une fiction inventée pour des raisons moralistes – doit être totalement dissociée du Mesotes si l’on veut découvrir la signification Gnostique encodée dans l’expression MESOTES NTE Is, “la connexion qui guérit”.
Le Manitou-Mesotes ne peut être, en aucune façon, corrélé au rédempteur divin de la tradition Chrétienne, si ce n’est par le subterfuge d’un amalgame trompeur entre “Iesos” et “Iasus”. Le Médiateur n’a strictement rien à voir avec les pouvoirs attribués à Jésus, soit sous ses traits de guru Juif radical et de guérisseur populaire (pleinement humain), soit sous ses traits d’Incarnation, l’instrument humain unique du Christ Cosmique. Gardons à l’esprit l’attribut essentiel et primordial du Rédempteur, l’hybride Jésus/Christ: il ne prend strictement en compte que la condition humaine perçue dans une vision totalement anthropocentrique. Selon la doctrine Chrétienne, le Christ vint en ce monde pour sauver l’humanité. Le programme de rédemption, qui doit être accompli par le Sauveur, est complètement et exclusivement anthropocentrique, focalisé sur la relation privilégiée de l’espèce humaine aux yeux du dieu paternel. L’entièreté de la vie animale et végétale sur Terre est strictement exclue de cette connexion, et elle est donc hors-programme. Les autres espèces ne jouent aucun rôle dans le plan de rédemption du père divin.
C’est un délire mensonger de conférer au Jésus/Christ doctrinal un rôle quelconque, dans le monde naturel, qui soit comparable à celui du Manitou. Conformément aux paramètres qui définissent la mission de Jésus/Christ, le Rédempteur n’a clairement rien en commun avec l’Esprit de la Nature Sauvage. Cela étant, tout amalgame entre Jésus, ou Jésus/Christ, et le Mesotes convie des notions erronées et trompeuses concernant ce dernier. De tels amalgames vont toujours jouer en faveur du Sauveur, en l’investissant, par exemple, d’une aura d’amoureux de la nature ou d’esprit de la nature. Tout cela est totalement absurde.
Il n’existe aucun écrit, ou élément mythologique, qui puisse valider une telle caractérisation de Jésus ou du Christ ou de l’hybride des deux. Par contre, le Mesotes perd ses attributs authentiques et intrinsèques lorsqu’il est identifié avec le Rédempteur. Sortie du contexte de la nature, “la connexion qui guérit” perd tout son sens.
Dans la tradition de la religion Païenne, qui était animiste, le dieu de la nature Pan était une sorte de personnage Manitou, dépeint comme la matrice des pouvoirs animaux ou entouré par les symboles animaux du zodiaque.
Cependant, avec l’essor du Christianisme, le Christ fut souvent représenté à la place de Pan et entouré, de la même façon, par les pouvoirs animaux. Dans leur tentative de supprimer toutes les alternatives qui préservaient le sens Païen de l’immanence de la divinité dans la nature, les idéologues Chrétiens, et leurs exécutants de basses besognes, substituèrent le Christ à une diversité de divinités Païennes et plus particulièrement Pan et Orphée.
Le plafond décoré de la catacombe Domitilla (an 3 EC) dépeint Orphée comme le shaman qui apprivoise les animaux sauvages avec ses chants et le son de sa lyre (Joseph Campbell, “Creative Mythology”, figure 1). Parmi les candidats pour un personnage Manitou dans la mythologie Grecque, Orphée vient en tête avec Pan. Apollon, d’autre part, représente la divinité solaire intellectuelle ou le dieu du ciel mâle qui s’opposa aux puissances autochtones et fusionna avec le Christ, comme je l’ai expliqué au chapitre 2 de mon ouvrage “Pas en Son Image”.
Orphée est un citoyen du Monde inférieur, un guérisseur (Iasus) qui apprivoise les animaux sauvages. L’imagerie du plafond de la catacombe Domitilla représente la phase finale d’une tradition millénaire d’art sacré qui remonte aux peintures des grottes Paléolithiques. La tradition fut rompue lorsque le rédempteur Chrétien fut substitué au personnage du Manitou. L’art sacré, à partir du troisième siècle, met le Christ au centre du Zodiaque (le cercle des animaux), alors que la théologie de la rédemption dénie clairement toute valeur au monde animal et ignore la connexion entre espèces.
En bref, l’orientation anthropocentrique, et extra-planétaire, de la foi Judéo-Chrétienne, et de la théologie de la rédemption, exclue le règne des pouvoirs animaux tandis que le Mesotes-Manitou apparaît comme le guide surnaturel qui confère ces mêmes pouvoirs. Ceux qui reviennent de la quête de vision se sont identifiés avec un animal de pouvoir qui leur a été attribué par l’Esprit de la Nature Sauvage. Le Mesotes-Manitou n’implique pas de connexion avec un monde divin au-delà de la planète sur laquelle nous demeurons. Il favorise la connexion de notre espèce avec l’élément divin en ce monde, Wakan Tanka, ici et maintenant, sur la planète, avec les pierres, les serpents, les insectes, les oiseaux, les plantes et les animaux.
«Les oiseaux des cieux, et les animaux qui sont dans la terre et au-dessus de la terre et les poissons dans la mer, ce sont eux qui vous conduisent vers le Divin».
Les “Papyrus d’Oxyrhynchus” sont une collection hétéroclite de textes fragmentaires et de notes rédigés en Grec qui ont été découverts dans une zone autrefois marécageuse, à 200 km au sud du Caire, à l’ouest du lit principal du Nil. La supposition selon laquelle les écrits Gnostiques en langue Copte furent traduits des originaux Grecs fut confirmée par cette découverte qui comprenait des extraits en Grec de “l’Evangile de Thomas” et d’autres écrits, considérés comme Gnostiques, telle que la citation précédente. Si les érudits sont corrects quant aux “originaux Grecs”, nous pouvons assumer que les “Papyrus d’Oxyrhynchus”, telle cette citation, nous rapprochent un peu plus du coeur des enseignements Gnostiques. Dans ce cas, cette citation confirme la perception du Mesotes comme la matrice des pouvoirs animaux plutôt que comme un rédempteur focalisé sur l’espèce humaine.
Révélation de la Connexion entre les Espèces
Le Jésus historique et le rédempteur divin qui lui est associé, Jésus/Christ, ne peuvent pas et ne doivent pas être identifiés avec le Mesotes; cependant, on peut concevoir que le Christos Gnostique fasse partie intégrante de ce complexe mythologique. Pour les Gnostiques, Christos n’était pas un rédempteur et n’assuma jamais une forme humaine physique. Dans le mythe Sophianique des Mystères, Christos est souvent réuni avec Sophia. Ce sont les deux Eons qui encodent la singularité de l’Anthropos, le génome humain, avec un spectre de potentialités propres à l’espèce. Au moment critique où Sophia s’est transformée en la Terre et où elle est submergée par la densité et la diversité des formes de vie qui émergent dans la biosphère, les Eons du Plérome envoient Christos intercéder en sa faveur. C’est l’intercession Christique. (voir le chapitre 14 de mon ouvrage “Pas en Son Image” et le chapitre “La chute de la Déesse Sagesse”).
La réponse longue à la question de savoir ce qu’est intrinsèquement le Mesotes est la suivante: le Mesotes est la trace bioplasmique de l’intercession du Christos. Elle constitue un vaste thème mythologique qui est distinct, et indépendant, du mythe du rédempteur Judéo-Chrétien. Cette réponse est longue car il nous faut pénétrer dans le mythe pour l’appréhender.
Il est ainsi donc possible de corréler l’Eon Christos Gnostique, et non le Christ de la foi conventionnelle, au Mesotes en tant que matrice des pouvoirs animaux. Dans une prouesse remarquable d’anthropologie mystique, Linda Tucker a proposé cette corrélation. Dans son ouvrage “The Mystery of the White Lions”, dont je fais une recension sur le site de la Métahistoire, Tucker présente son dessin d’un personnage Manitou qu’elle identifie à la fois avec Jésus et le Christ. La légende de ce dessin précise: «Jésus, entouré par la biodiversité de la nature. Fondé sur des manuscrits médiévaux illustrant le fait que le personnage de Jésus ne fait qu’un avec toute la création. Il est accompagné par le lion d’un côté et par l’agneau de l’autre côté.» Tucker commente avec profusion ce dessin: «La présence du créateur originel Dieu est manifeste dans toute la création originelle: la nature. Dieu vit en toute créature magnifique, sauvage et vivante sur cette planète».
Ce sont de belles pensées mais qui ne sont pas très claires en termes de théologie et de biologie. Selon la vision Gnostique, le Dieu Créateur n’est pas responsable de la création de la Terre et il n’y demeure pas: ce sont les prérogatives de Sophia, la déesse déchue. Strictement parlant, la Terre n’est pas créée par un dieu ou une déesse car elle est la métamorphose du corps divin de la déesse de sagesse, Sophia. Lorsque Tucker affirme que «Dieu vit dans les Lions Blancs et manifeste Sa présence au travers d’eux», elle assimile la théologie Chrétienne avec l’animisme d’une façon erronée (à mon avis). Tucker a certainement vécu une révélation avec les Lions Blancs, un éveil spirituel qui convie un message essentiel au monde d’aujourd’hui, mais je voudrais suggérer qu’il n’est pas possible de communiquer cet éveil selon les concepts doctrinaux familiers qu’elle utilise.
Elle continue: «Le Christ était un avec la Nature. En fait, le mot Logos (la loi de Dieu sur terre, les règles de la nature) fait référence au Christ par définition. Nous connaissons tous la description du Christ comme “l’agneau sacrifié de Dieu qui enlève les péchés du monde». Le Christ lui-même a expliqué que: “Je suis un bon berger, je connais mon troupeau et mon troupeau me connaît”. Cependant, même si l’agneau constitue le symbole doux et docile du Christ, qui nous est familier, cela ne doit pas nous occulter ses réels pouvoirs divins léonins… La vérité que nous devons accepter est que dans la Bible, à de nombreuses occasions, le jugement de Dieu est comparé à l’attaque d’un lion». (“The Mystery of the White Lions”, page 338).
Ce passage mélange un langage biblique avec la révélation animiste des lions blancs. Si vous me le permettez, ce sont les lions qui sont les perdants dans cet amalgame. Est ce que le personnage Christique, que Tucker imagine «entouré par la biodiversité de la nature», doit être identifié avec le rédempteur sacrifié, et le Père Divin vengeur Yahvé, qui punit le monde avec violence? S’il en est ainsi, alors pourquoi ne pas attacher tout le bagage théologique du complexe du rédempteur à l’animisme mystique des lions blancs? Qu’advient-il alors de la valeur intrinsèque des pouvoirs animaux?
Tucker laisse transparaître l’influence de sa formation Jungienne lorsqu’elle amalgame les lions blancs avec le matériau transmis par la théologie de la rédemption. Selon la vision Jungienne, les opposés sont réunis dans la psyché: «L’agneau est bien sûr le Christ, le Lion de Judas, qui éventuellement réconcilie le lion et l’agneau, la proie et le prédateur, puisqu’en lui tous sont un» (page 339). Avec cette sorte de méli-mélo archétypique, il n’est aucun espoir de présenter des lignes directrices permettant de vivre une expérience mystique authentique du monde naturel. Au pire, elle cautionne la théologie de la rédemption et toutes les horreurs qu’elle implique. Tucker en vient presqu’à dire que les lions blancs, élevés comme des “lions de conserve”, pour être abattus à prix fort par les chasseurs de trophées, sont à l’image de Jésus qui est mort pour nos péchés.
Pour autant que j’apprécie l’ouvrage de Tucker et que je trouve dans les lions blancs une remarquable célébration des pouvoirs animaux, je ne peux pas adhérer à son interprétation de la connexion Christ-Lion. Cette interprétation risque de faire perdre la révélation de la connexion entre espèces, émanant des lions blancs, dans une régression à l’idéologie de la victime et du bourreau. Je suggérerais une interprétation Gnostique qui perçoit dans les lions blancs la forme spécifique du Mesotes, la matrice des pouvoirs animaux. En d’autres mots, les lions blancs apparaissent sur Terre, en ce moment de l’histoire et d’une façon inexpliquée, pour servir d’animal de pouvoir à l’entièreté de l’espèce humaine afin que nous puissions apprendre, en nous reliant avec eux, la réalité de notre propre extinction. Tucker corrèle étroitement l’apparition des lions blancs de Simbavati à l’extinction en cours, à la possibilité d’un nouvel Age Glaciaire. Très loin dans la Préhistoire, les hominidés doivent avoir cohabité dans les grottes avec les lions. Ses interprétations anthropologiques, dans cette même veine, sont fascinantes et de loin plus convaincantes que les spéculations apologétiques et syncrétistes qui concluent son merveilleux ouvrage.
A une époque où de nombreuses espèces sont en voie d’extinction, en raison de l’attitude anthropocentrique de l’espèce humaine – une attitude explicitement fondée par la mission donnée par le Dieu Créateur de se propager et de dominer la Terre et une attitude renforcée par la théologie Judéo-Chrétienne-Islamique qui fait de l’espèce humaine la seule digne de Dieu et la seule digne d’être sauvée – les lions blancs sont peut-être arrivés pour nous guider vers notre propre extinction.
En termes de discipline métahistorique, il est totalement inadmissible de citer quelques bribes de discours insipide attribué à Jésus/Christ pour valider le concept selon lequel le rédempteur, et la divinité paternelle, seraient des amis de la nature. Le Christ et Yahvé ne sont pas immanents au monde naturel. C’est une erreur théologique qu’il serait, d’un point de vue psychologique et archétypique, relativement dangereux de promouvoir. Si le Père et le Fils ne sont pas appréhendés de cette façon par les foules de croyants fidèles, pourquoi donc le prétendre? Le propos de la correction Gnostique, mise en valeur dans la Métahistoire, n’est pas de faire apparaître Jésus/Christ sous un meilleur jour, mais de tourner notre regard vers une autre direction.
L’identification du Mesotes Gnostique avec le Manitou de la quête de vision Amérindienne n’est pas quelque chose que je propose avec légèreté mais une fois que cette identification est réalisée, je suis convaincu que nous pouvons faire confiance à la force de l’évidence, à la comparaison des motifs, etc. La corrélation Christos/Mesotes /Manitou fait du sens et résistera à un examen minutieux. Les preuves mythographiques de cette affirmation pourraient remplir dix essais de cette taille…
L’élément essentiel, cependant, c’est que cette corrélation Mesotes-Manitou puisse offrir des lignes directives correctrices vers une expérience mystique vécue et authentique.
Chez l’homme, en contraste avec les autres animaux, la symbiose doit être réalisée en dépassant la tendance invétérée à l’obsession de soi-même. «Nous sommes humains seulement dans la relation, dans la convivialité, avec tout ce qui n’est pas humain» affirme David Abram. C’est en développant des relations conviviales avec toutes les espèces que nous vainquons nos tendances anthropocentriques, qui peuvent être pernicieuses et porter préjudice, autant à nous mêmes qu’aux autres. L’intercession du Christos a effectué une perméabilité des frontières humaines, spécialement les limites de l’ego, afin d’accroître la communion avec tout ce qui est vivant. C’est dans cette communion que nous trouvons plus aisément notre chemin personnel parce qu’aucune créature ne vit par elle-même. La fonction ultime du Mesotes est de guider de façon subtile et respectueuse. Laurence van der Post, qui a vécu avec les San Bushman du Kalahari, a saisi l’essence de cette expérience lorsqu’il écrit (dans “A Mantis Carol”): «Nous savons tous beaucoup plus que nous nous permettons de savoir à cause d’une certaine lâcheté face à l’inexprimable et de la peur d’accepter son influence pour nous guider vers la nature de sa réalité».
Lors de la rencontre avec le Mesotes, la plupart des témoins n’acceptent pas cette influence d’accompagnement mais la réfèrent à leur conditionnement et la perçoivent au travers de leur conditionnement, et plus particulièrement leurs croyances religieuses. Cela est triste à dire mais la rencontre avec le Mesotes est une occasion perdue lorsqu’elle renvoie à une fixation sur le Jésus historique et à des croyances aveugles en la rédemption, le sacrifice, la valeur salvatrice de la souffrance, le plan de Dieu pour le monde et ainsi de suite. La rencontre mystique authentique est totalement absente de ces fictions. Nous sommes guidés par le “Jésus vivant” vers une expérience personnelle unique de parenté avec toutes les espèces. Le fantôme lumineux est le guide intérieur subliminal et non pas un “précepteur de vie” qui encouragerait la réalisation de soi-même et la fusion avec Dieu. Il ne soutient pas la gratification de nos vies personnelles mais bien plutôt la consécration altruiste à tout ce qui est vivant.
Dans la palette des instincts humains, il existe une tendance à la préservation de soi (à savoir la préservation de l’ego tout autant que du corps physique) tellement puissante qu’elle peut contrecarrer la tendance à co-évoluer, à embrasser toute forme de vie et à aimer Gaïa, la Terre. Nous sommes immergés dans une symbiose Gaïenne et nous avons toujours le choix de dépasser l’auto-préservation au bénéfice de la vie dans son ensemble. Le guide intérieur est un don sublime offert à notre espèce par le Plérome, une aide inestimable à l’auto-correction.
Sans la guidance subtile du fantôme lumineux, nous serions encore plus influencés par un égoïsme dément que nous ne le sommes déjà.