1. La Magie du Graal ou le Mensonge Paternel

Pour défier et vaincre le Mensonge Paternel

La Compréhension de la Quête Spirituelle Occidentale

Nous vivons sur une planète tyrannisée et terrorisée par des hommes barbus qui déclament, à ses habitants, ce que Dieu dit et ce que Dieu veut. D’autres hommes, qui ne sont pas barbus mais qui terrorisent et tyrannisent également le monde, croient en un dieu paternel barbu au nom duquel ils parlent et dont ils suivent les commandements. Toute la planète souffre sous le poids d’un MENSONGE suprême et souverain: le mensonge selon lequel Dieu le Père ait jamais parlé à ceux qui la peuplent. En raison de leur crédulité innée et incurable, les habitants (ou les “Natifs” tels qu’on les nommait auparavant avec un brin de sentimentalisme) sont enclins à croire que le Créateur à réellement parlé à quelqu’un sur la planète, à une certaine époque et dans un contexte précis. Il (ou, peut-être même, Elle – bien que les hommes qui parlent pour LUI ne pourraient jamais admettre cette possibilité) doit avoir ainsi parlé, croient-ils. Mais où? Quand? A qui? Et dans quel but?

L’Etude du Graal se consacre à l’exploration de ces questions.

 

La Blessure d’Amfortas

Ce qui est incroyable, lorsque l’on réfléchit à la vie sur cette planète, c’est que ses habitants consentent à accepter la parole d’hommes barbus – ou d’hommes rasés qui vénèrent une divinité barbue – quand bien même ceux-ci déclarent que Dieu commande de pratiquer la guerre, la domination et des actes de châtiment. Ces hommes sont des théocrates qui voudraient contrôler la Terre en tant qu’agents – sinon en tant qu’incarnations – de “Notre Père qui Etes aux Cieux”. Lorsque Dieu s’adresse aux habitants de cette planète, il semble que l’aspect le plus crucial et le plus contraignant, de toute cette révélation divine, soit son commandement de tyranniser et de terroriser le monde. La suprématie de la puissance génocidaire semble être le message le plus porteur de sens pour l’humanité. Pourquoi en est-il ainsi?

Ce n’est évidemment pas le message d’un dieu quelconque mais le message des imposteurs théocratiques (avec ou sans barbe) qui prétendent parler au nom de Dieu et tirer leur autorité de LUI. Le message familier de la guerre, de la domination et du châtiment en reflète bien la source: des hommes qui ne peuvent pas ressentir de communion avec la vie, qui méprisent leur propre faiblesse mais qui sont incapables de voir qu’elle est due à cette déconnexion même de la vie et qui haïssent tout ce qu’ils ne peuvent pas contrôler – dont les femmes, les enfants et la Nature. Le pouvoir de leur message tonitruant tient, presqu’entièrement, à l’intimidation. Il intimide, tout d’abord, en assumant l’autorité d’un super-parent extraterrestre – qui ne peut être ni remis en question ni défié. Il intimide, secondement, par l’implication selon laquelle ceux qui s’expriment, au nom du pouvoir de châtiment de Dieu, ont également la capacité de le brandir et de l’infliger à la personne de leur choix. Il intimide, troisièmement, parce qu’il tire un pouvoir collatéral de la douleur de la blessure patriarcale – une douleur qui est ressentie par tous ceux qui peuplent la Terre.

Quelle est la nature de la blessure du patriarcat? Il y a environ un millier d’années, elle était appelée la blessure d’Amfortas. Amfortas était le Roi du Graal qui fut mortellement blessé par “une lance qui lui perça les cuisses”, selon que le conte l’antique épopée médiévale. Les érudits soulignent, platement, que les “cuisses” représentent un euphémisme pour l’aine. La Blessure d’Amfortas est sexuelle. Tous les imposteurs théocratiques sont des handicapés sexuels qui cachent leur affliction en invoquant une pléthore de rejetons. Ils commencèrent leur régime théocratique avec une litanie de rejetons qui culmina dans la naissance de l’unique progéniture humaine de Dieu, le divin messie. Ils arrivent, maintenant, au faîte de leur régime de 6000 ans, bardés d’une litanie de rejetons, sous la forme de chimères génétiques, qui vont nous conduire directement au parfait clonage humain – c’est du moins ce qu’ils croient. Leur finalité cachée est de détruire l’humanité, en chair et en os, pour la remplacer par une Nouvelle Jérusalem peuplée de clones contrôlés à distance – sur lesquels ils régneront, pour l’éternité, parce que ces clones participent de la compagnie de celui qui est «sans père, sans mère, sans descendance ou généalogie, n’ayant ni début ni fin» (Hébreux 7:1-3). C’est Melchisédech, le Messie Extraterrestre, le Prince des Très Justes. De par leur penchant révélateur pour le symbolisme religieux, les cerveaux de la pensée théocratique ont attribué, à ce Melchisédech, la fonction “d’ange gardien” de l’Etat Sioniste.

«Jérusalem est la demeure de nombreux Archontes», nous prévient la Seconde Apocalypse de Jacques dans les Codex de Nag Hammadi.

Prenez en considération l’aspiration démente des théocrates: le gouvernement US soutient Israël parce que ceux qui sont en contrôle, dans l’arrière-boutique de ce gouvernement et de l’Etat d’Israël, partagent une finalité commune – dont ne sont pas  même conscients les animaux humains habitant cette planète. Cette finalité est un statut pseudo-divin, d’immortalité clonée, pour eux-mêmes et pour leur famille – qui les rendra pareils à Melchisédech. Ils sont convaincus de la faisabilité de leur aspiration, à vaincre la mortalité humaine, parce qu’ils en ont rencontré et vu la preuve – ou qu’ils en ont été persuadés par ceux qui l’ont vue. Il suffit d’un clone pour démontrer que le clonage soit possible. Contemplez le simulacre, dînez à sa table, buvez-en le vin en provenance de Sardaigne et vous en serez convaincus.

La promesse de l’immortalité est l’arnaque suprême des Archontes – des Arnachontes.

Dans la version Germanique de Parzival, composée par Wolfram von Eschenbach aux alentours de 1220, le Roi du Graal est appelé Enfermetez – “souffrant, affligé”. Dans les versions Galloises, ce nom est adouci en Amfortas. Ce personnage, tiré de l’aristocratie médiévale, ne représente pas les pairs de Melchisédech ou quiconque dans l’asile à ciel ouvert des imposteurs théocratiques. Amfortas n’est pas un théocrate mais il incarne la nature humaine blessée. Et nous sommes, tous, affectés par cette blessure qui nous est infligée par le système théocratique – le principal outil politico-religieux du patriarcat.

Amfortas est appelé le Roi Pêcheur parce qu’il incarne l’état critique des Autorités patriarcales durant l’Age des Poissons. Le Parzival de Wolfram von Eschenbach – dans sa version en moyen haut Allemand, 1195-1225 – est pleine de compassion, pour cette situation désastreuse, mais elle repose aussi sur des artifices artistiques pour en déguiser l’histoire véritable. A cette époque, et dans ce contexte, Amfortas n’aurait pas pu être dépeint comme maléfique parce que l’histoire du Graal était écrite pour et au sujet de l’aristocratie féodale – la classe à laquelle appartenait le Roi Pêcheur.

Amfortas symbolisait, assurément, le meilleur de la Noblesse, son aspect le plus humain. Dans Parzival, l’agent du mal n’est pas Amfortas mais Klingsor – le magicien noir qui complote contre ceux qui sont en quête du Saint Graal – sur lesquels nous allons revenir.

Les légendes médiévales de la Quête du Graal incorporent les thèmes d’une ancienne énigme, comparable à l’énigme du Sphinx: Amfortas, qui incarne la douleur de la blessure du patriarcat, ne peut être guéri que lorsque le secret du Graal est révélé par le fils d’une veuve. Les conditions sont claires et simples mais déconcertantes: le héros du Graal doit être un jeune homme dont le père est mort avant sa naissance. Il doit arriver par hasard au Château du Graal, sans idée préconçue de ce pourquoi il est en quête – et sans même savoir qu’il est en quête de quelque chose. Il doit, ensuite, contempler le Graal et en être rendu muet – sans être capable de “poser la question”. Il doit s’enquérir de l’étrange destinée du Roi Pêcheur: souffrir d’une blessure dont il ne peut mourir mais dont il ne pourra jamais guérir – jusqu’au jour où quelqu’un arrivera pour succéder au Roi en tant que Porteur du Graal. A la suite de cette expérience déconcertante, Perceval doit errer pendant des années, sans but apparent, jusqu’à ce qu’il revienne vers le Château du Graal. Cette fois, il sait ce qu’il doit demander afin de recevoir et de libérer la puissance régénératrice du Graal et de guérir la blessure d’Amfortas – offrant ainsi à toute l’humanité les conditions de sa propre guérison.

 

Le Fils d’une Veuve

La faculté de la race humaine de se sauver elle-même de cette dégénérescence terminale dépend-elle de cette antique intrigue énigmatique? Cela se pourrait fort bien car cette intrigue est le script directeur de la vie spirituelle du monde Occidental. Joseph Campbell a déclaré que la Légende du Graal présente «la définition la plus précoce de la mythologie séculaire qui est aujourd’hui la force spirituelle qui guide l’Occident Européen». (Creative Mythology, page 564). Mais cette assertion s’applique aussi à l’Occident Américain. Qui plus est, dans la mesure où l’Occident détermine le destin de la communauté globale, elle s’applique à toute la planète.

Parzival (Perceval dans une prononciation Gallique plus douce) signifie “percé au coeur”. Sa mère est Herzeloyde, (“au coeur brisé”). Elle souffre car son époux, un noble chevalier nommé Gamuret (“destin mûr”), s’est fait tuer au combat quelques mois avant que leur fils ne naisse. Sa destinée brise le coeur mais elle accomplit, cependant, les conditions requises par l’énigme: celui qui le premier atteint le Graal et met fin à la souffrance du roi blessé.

Lors de sa carrière chevaleresque et de sa quête du Graal, Perceval bénéficie de l’aide de nombreuses femmes: son épouse Condwiramurs (“amour guidant”); sa tante paternelle Furdamurs (“amour protégeant”); Ginover (Guinevere, “fidèle à jamais”) l’épouse du Roi Arthur; Liaze (“la galante”), la fille du guide et tuteur de Perceval, Gurnemanz (“concentré sur le destin”); Kundrie la Sorcière, messagère du Graal, semblable à une Dakini et adepte de la Kundalini, le Pouvoir du Serpent; Sigune (“frappée par le destin”), sa cousine; et la dernière, mais non la moindre, Repanse de Schoye (“joie rebondissante”), la porteuse du Graal qui préside au rite sacré, la Contemplation du Graal, dans le hall principal du château du Roi Pêcheur.

Parzival n’est pas une allégorie comme le Pilgrim’s Progress. Ces noms magnifiques et évocateurs fleurent bon le parfum de “romance médiévale” – le genre auquel la Quête du Graal appartient. L’histoire n’est pas entièrement fictive. Elle se déroule en parallèle à certains événements qui se passent en Europe Centrale aux 9  et 10 ème siècles. L’histoire fut, tout d’abord, préservée oralement et elle fut rédigée, ensuite – 200 ans après ces événements.

Bien que Parzival soit une histoire de chevaliers, une épopée chevaleresque dont les principaux personnages sont des hommes, ces derniers ne représentent pas le système patriarcal mais plutôt une opposition mâle à ce système – et même une subversion mâle de ce système. Ce ne sont pas des champions patriarcaux mais des héros authentiques qui adhèrent à un code non-patriarcal d’amour romantique – l’amour courtois. Le héros véritable peut être distingué du champion par sa dépendance à la femme et sa relation intime avec la Déesse. (J’ai explicité, longuement, cette distinction dans mon ouvrage The Hero – Manhood and Power). Que cela soit vrai pour Perceval est démontré par de nombreux détails de l’histoire mais, plus particulièrement, par le rôle prédominant des femmes dans sa destinée.

La première leçon que l’on puisse tirer, de l’histoire de Perceval, c’est que la Quête du Graal concerne la victoire sur le patriarcat et la défaite du Mensonge Paternel: le mensonge selon lequel Dieu le Père a parlé aux hommes (et aux hommes seulement) qui nous transmettent ses paroles, imposent ses règles et exécutent ses commandements. La Quête n’est pas seulement une  histoire alternative qui remplacerait le script directeur du patriarcat. C’est une manière de désactiver ce script, de recouvrer ce que le Mensonge Paternel a confisqué et de s’engager sur un chemin d’expérience qui permette le plein épanouissement de l’esprit humain à partir du sol fertile de la civilisation Occidentale.

Ainsi que je l’ai expliqué dans Mythe dans la Préhistoire, les Mystères de la Déesse et le Cycle du Héros sont les deux histoires primordiales qui déterminent l’évolution historique, morale, culturelle et spirituelle de l’humanité en Occident. Elles sont ce que Joseph Campbell appelle “des paradigmes de l’expérience humaine séculaire dans une dimension de profondeur”. Elles fondent également l’expérience religieuse authentique en dehors de tout cadre institutionnel et doctrinal. Nous recouvrons les Mystères de la Déesse au travers des écrits Gnostiques et du Mythe de Sophia – amplement développés sur ce site. Nous recouvrons le Cycle du Héros en étudiant l’histoire de la Quête du Graal, et en y participant, dont le personnage central est Perceval.

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The Roi Pêcheur percé à la cuisse. Le Roman du Saint-Graal, France, 14 ème siècle.

Les événements décisifs de l’histoire de Perceval prennent place dans la Terre Gaste, la Terre Dévastée. C’est la contrée qui entoure le Château du Graal. C’est une terre dévastée parce que l’affliction sexuelle d’Amfortas génère une sorte de contamination de la biosphère qui ruine la terre, fait dépérir les plantes et fait obstacle à la régénération. Les prédictions concernant le Graal affirment que tant que le fils d’une veuve n’arrive pas au château pour poser la “question du Graal”, la Nature continuera de souffrir en raison de la blessure sexuelle de l’humanité – la pathologie toxique du patriarcat, si l’on préfère.

 

La Question du Graal

La structure de l’intrigue employée par Wolfram, et par d’autres narrateurs de la légende, est relativement précise quant à la “Question du Graal”. Perceval doit contempler le Graal, une première fois, sans savoir ce qu’il signifie et sans être capable de formuler la question et, ensuite, une seconde fois, lorsqu’il perçoit et saisit l’occasion de poser la question. Nous pouvons, tous, nous identifier avec Perceval, appelé le Fou Sacré, qui incarne la méthode d’initiation “pour les nuls”. Il ne sait pas quoi demander, et quand le demander, même lorsqu’il se trouve face à un miracle vivant. Nous lui ressemblons lorsque nous prenons conscience que le secret de la vie vient d’abord à notre rencontre sans que nous en connaissions la nature, ou sans même savoir que c’est un secret, et qu’ensuite, au cours de la vie, il nous met en présence d’une autre rencontre, d’une autre opportunité d’entrer en relation avec la magie du cosmos. Nous participons au secret simplement en demandant, en nous rendant réceptifs à l’instruction. Le fait de demander témoigne également du désir de s’impliquer mais il nous faut demander au cosmos de nous conférer cet engagement. Nous ne pouvons pas saisir l’implication par force, ou par pure volonté, car nous devons requérir qu’elle nous soit donnée. On pourrait élaborer bien d’autres notions à ce sujet…

Il suffit de dire que la situation de Perceval est exemplaire pour ceux d’entre nous qui aspirent profondément, et peut-être à leur insu, à fusionner leur destinée personnelle avec les desseins plus vastes du cosmos. L’Etude du Graal nous le permet en annihilant les mythes toxiques qui entravent notre chemin vers cette connexion.

Quelle est la question du Graal et à qui le héros la pose-t-il? Selon Wolfram, à la suite de sa seconde visite au Château du Graal, Perceval se trouve devant son oncle paternel, Amfortas, le Roi blessé du Graal. Au moment critique, il demande: “Cher Oncle, de quoi souffrez-vous?” Comme son oncle est tout simplement un représentant de l’humanité, Perceval demande en fait: “Humanité, de quoi souffres-tu?” C’est la Question du Graal que chacun d’entre nous doit poser afin de nous engager dans la Quête et d’atteindre le Graal. En nous inspirant de l’exemple de Perceval, il nous faut nous enquérir au sujet de la maladie de l’espèce, mais plus spécifiquement dans la mesure où elle procède du patriarcat et du Mensonge Paternel. La réponse à la question du Graal nous parvient, de façon individuelle, par des milliers de voies qui soutiennent, et accompagnent, les intuitions précieuses que nous pouvons développer quant à la condition humaine.

Immédiatement après que Perceval ait posé la question, un effet magique se répand sur toute la Compagnie du Graal – ainsi que sont appelés les membres de la cour du Roi Pêcheur. Ils sont tous frappés de stupeur face à la manifestation du San Graal, une coupe numineuse de lumière qui déborde d’onguent de guérison et d’une nourriture riche et parfumée. Alors Perceval se tourne vers le Graal même et pose une autre question: “Comment puis-je vous servir?” Ce faisant, il renverse entièrement la magie du Graal telle qu’elle avait été traditionnellement connue jusqu’alors. Isolée dans la Terre Gaste, dont l’environnement est pollué et où rien ne croît, la Compagnie du Graal était néanmoins capable de survivre en se nourrissant périodiquement à la coupe sacrée. Même Amfortas, qui ne pouvait ni mourir de sa blessure ni en être guéri, prenait réconfort auprès d’un onguent émanant du Graal qu’il appliquait sur sa blessure, à l’aide de la pointe de la lance sacrée. Depuis des temps immémoriaux, la noble famille était servie par le Graal, vivant par la grâce d’une source inépuisable de nutrition physique et spirituelle.

Quant à Perceval, après s’être engagé à comprendre la souffrance de l’humanité, il ne demande pas à être servi par le Graal mais il demande comment il peut le servir. Il s’en remet à une vocation plus élevée et invoque une magie supérieure – car la générosité est supérieure à la grâce. En s’engageant ainsi, Perceval sait, intuitivement, qu’il y a plus de puissance à servir le Graal qu’à en être servi. Cette prise de conscience, de sa part, peut engendrer, en nous, une séquence d’intuitions précieuses – si nous choisissons d’y réfléchir.

A l’époque et dans le contexte de la romance du Graal, le choix de Perceval de servir le Graal, donnait une leçon provocante d’humilité à la Noblesse Européenne à laquelle l’histoire s’adressait. Au lieu de vivre de leurs privilèges, au milieu de la Terre Gaste – en tolérant les ruines et même en y contribuant – ils pouvaient choisir de servir le pouvoir qui les entretenait mystérieusement. On peut difficilement s’imaginer, de nos jours, quelle sorte d’influence ce message put avoir en s’infiltrant dans l’infrastructure psychique de la Noblesse Européenne, à la fin du Moyen Age. Au moins, il conduisit, dans une certaine mesure, à l’essor de l’Humanisme qui engendra la Renaissance – à savoir le retour aux valeur Indigènes et Païennes.

Aujourd’hui, la même leçon est valable pour ceux qui (en tant que consommateurs) profitent de la dévastation de la Terre, d’une façon ou d’une autre. Le problème, dans la société moderne, n’est pas simplement le fait que le pouvoir se trouve concentré dans les mains d’hommes blessés, et déments, qui parlent au nom de Dieu. Le problème est le fait que les privilèges détruisent l’équilibre de n’importe quelle société, saine ou démente. En fait, comment les hommes de pouvoir s’en sortiraient si les individus qu’ils contrôlent, dans le monde, n’étaient pas sensibles à la soumission par privilèges? Dans la légende du Graal, c’est une leçon morale et profonde d’humilité qui est offerte aux classes nobles de l’Europe Médiévale. Cette leçon est tout aussi pertinente de nos jours qu’elle l’était alors. Mais aujourd’hui, cette leçon nous concerne tous.

Comment guérir la blessure du patriarcat en s’inspirant de l’Histoire de la Quête du Graal?

C’est la question qu’on se poserait normalement, bien sûr. Mais dans la mythologie dynamique, la puissance narrative ne fonctionne pas toujours en ligne droite et de façon littérale. Il est vrai qu’il existe une pléthore de vérités et d’intuitions que l’on puisse extraire de cette histoire merveilleuse mais elles n’incluent pas son pouvoir de guérison extraordinaire. Ce n’est pas, seulement, ce que l’histoire nous rapporte qui guérit la blessure – qui plus est, c’est l’histoire elle-même qui est source de guérison. Pour vaincre le patriarcat, il faut aimer et étudier cette histoire et vivre avec. L’histoire est telle une clé qui s’enclenche dans une serrure. Les indentations de la clé sont taillées de façon à correspondre à la serrure. Maintenant, lorsque vous arrivez à la porte, vous ne vous arrêtez pas pour examiner la clé et vous demander comment ses indentations ont été façonnées de telle sorte à ouvrir la serrure. Vous mettez simplement la clé dans la porte et vous l’ouvrez. C’est la clé qui ouvre la porte et non pas vos spéculations quant au profil de la clé. Il en est de même avec l’histoire de la Blessure d’Amfortas: elle est la force même qui guérit la blessure.

Pénétrez dans l’histoire, participez-y et laissez vous guider par cette force.

 

Le Chaudron Magique

Mais qu’en est-il du Graal lui-même, le plus énigmatique des artefacts sacrés? Que pouvons-nous en connaître aujourd’hui? Comment pourrions-nous imaginer nous impliquer dans l’Histoire de la Quête du Graal et découvrir ce qu’il en advint après que Perceval eût posé la question?

Il existe de nombreuses tentatives de décrire le Graal. Wolfram lui-même dit que c’est un morceau de “lapis exilis”, la pierre exilée, une émeraude qui tomba de la couronne de Lucifer lorsqu’il plongea des cieux suite à sa prétention arrogante de pouvoir créer un monde aussi beau que celui que le Créateur créa à notre intention. Cette légende est très embrouillée et elle mélange des fragments de légendes médiévales Juives, concernant des anges déchus, avec la notion Gnostique d’une divinité déchue. Cependant, l’indice du lapis est utile parce qu’il identifie le Graal avec la Pierre Blanche des alchimistes – la Pierre Philosophale. En nous inspirant du mythe Gnostique de l’Eon Sophia, la déesse qui chut sur la Terre, nous pourrions imaginer que la pierre rayonnante lui appartient plutôt qu’à Lucifer (une invention tardive de l’Eglise dans sa tentative désespérée d’objectiver le mal).

Ce fil de la narration s’accorde bien avec la mythologie Celtique à l’arrière-plan de la Quête du Graal. Tous les érudits s’accordent sur le fait que le Graal soit une version Médiévale tardive du chaudron magique de Keridwen – un avatar Celtique de la Déesse Blanche. La chaudron de Keridwen fut la source d’inspiration de bardes shamans tels que Taliesin qui, en  prenant trois gouttes sur la langue, en devint divinement inspiré. Ce fut la possession magique la plus convoitée par les anciens rois qui pouvaient se sustenter indéfiniment à partir de sa nourriture. C’était ainsi une source de régénération physique et de créativité poétique.

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Galahad recevant the Graal des Demoiselles du Graal. Peinture de Dante Gabriel Rossetti.

Dans son ouvrage “From Ritual to Romance” (1920), Jesse L. Weston avança la thèse selon laquelle le chaudron Celtique et le Graal Médiéval constituaient la continuation des anciens dieux de fertilité Païens. Le lauréat Nobel T. S. Eliot s’inspira énormément de ses idées en écrivant son poème “La Terre Gaste” – le jalon du Modernisme. La Légende du Graal par Emma Jung et Marie-Louise von Franz va plus loin que Weston quant aux origines Indigènes du Graal. Malgré la proéminence de la Légende du Graal et de ses motifs dans le Modernisme (qui furent mis en exergue par Joseph Campbell) et du fort intérêt émanant des études Jungiennes, le fil de l’histoire fut perdu. De nos jours, en Occident, nous sommes tout aussi éloignés de l’expérience de Perceval que nous l’avons jamais été.

Le Graal Chrétien, cependant, suscite beaucoup d’intérêt. Le long poème, en trois parties, intitulé “Le Roman de Graal” et écrit, en 1200, par Robert de Boron, est la première oeuvre Médiévale à identifier le Graal Celtique avec le calice utilisé durant le Dernier Souper, la même coupe utilisée par Joseph d’Arimathie pour recueillir le sang de Jésus. J’ai, d’ailleurs, vu et touché le vélin originel de ce manuscrit médiéval qui est conservé dans la collection privée de la Bibliotheca Hermetica d’Amsterdam. Grâce à cet unique coup littéraire, le Graal fut piraté au service de la théologie Chrétienne. Il devint un étayage dans un scénario de rédemption dans lequel le sang du Christ remplace la Lumière mystérieuse, et source de toute nutrition, qui emplit le Graal. Plus récemment, des déclarations fantasmagoriques concernant le Prieuré de Sion, une société supposément secrète et possédant supposément des informations secrètes sur la vie de Jésus, en ont propulsé la cooptation à des niveaux jamais atteints. Le scénario de Sion repose sur un jeu de mots: San Graal/Sang Real “Saint Graal/Sang Sacré”. Dans cette fiction fantastique et ésotérique, le Graal est considéré être un nom de code pour la lignée de sang descendue de Jésus. A part le fait que cela soit un non-sens total, ce jeu de mot pervertit la Légende du Graal et l’oriente dans le sens du culte Catholique du sang et des illusions de pouvoir monarchistes-messianiques-maçoniques. Tout le répertoire de la mythologie fallacieuse, du Roman du Graal au Da Vinci Code, témoigne d’une intrigue délibérée et perverse pour occulter l’immense pouvoir de guérison de la Légende du Graal et en priver le monde moderne.

Il n’existe pas de Graal Chrétien car le Christianisme est une religion de la rédemption alors que la Quête du Graal n’est pas un script rédempteur: c’est une romance héroïque empreinte de valeurs féminines, écologiques et ouvertement anti-religieuses et anti-patriarcales. Wolfram ne donne en rien dans cet amalgame entre le Graal et le calice. Un Païen et anti-Chrétien convaincu, il s’en tient étroitement aux origines anciennes Celtiques de la Légende. (Wolfram n’était pas non plus un prude: il affirme carrément qu’Amfortas fut blessé par «une lance empoisonnée – au travers du scrotum»). Il perçoit dans le Graal une matrice tellurique de puissance régénératrice mais aussi une source d’écriture céleste  – une source  de langage d’étoiles. Il compare le Graal au croissant de lune et décrit comment une écriture magique apparaît de façon spontanée sur le rebord de la coupe sacrée:  

«Quant à ceux qui sont attitrés au Graal, écoutez comment ils sont reconnus. Dessous le rebord de la Pierre, une Inscription annonce le nom et le lignage de celui qui est appelé à entreprendre l’heureux voyage [la Quête du Graal]... Dès que le nom a été lu, il disparaît aux regards!»

L’écriture magique, sur le Graal, est réminiscente des parchemins mystérieux qui s’auto-rédigent et que l’on appelle, dans le Bouddhisme Tibétain, des Termas. Les enseignements de maîtres accomplis peuvent être retrouvés sur de précieux parchemin, rédigés en encre d’or, ou dans les phénomènes de la Nature ou dans les pensées pures du mental humain. Ceux qui découvrent des Termas sont appelés des Tertons, “des découvreurs de trésors”. Le Graal est à la fois un trésor ainsi découvert et la source de messages occultes qui conduisent à sa découverte – ou qui prédisent l’identité de ses découvreurs. Dans la tradition Tibétaine des Nyingmapa, les maîtres qui laissent des Termas sont aussi réputés prédire qui les découvrira. Perceval est la personnification d’un Terton Occidental.

La comparaison entre la Pierre et le croissant de lune clarifie l’étrange motif de l’écriture céleste. Le jeune croissant de lune ressemble à un calice aplati, à un bol ou à une assiette incurvée. Wolfram insiste sur le fait que le Graal est une assiette et non pas une coupe. Lorsqu’il se détache sur le ciel étoilé, le fin croissant de lune, lorsqu’il n’est pas brillant au point d’effacer les constellations à l’arrière-plan, apparaît telle une parenthèse indiquant un passage spécifique de l’écriture céleste – des lignes dans le langage codé du Zodiaque. La position précise et l’angle du croissant, en relation avec les constellations à l’arrière plan, révèlent le “texte” qui est mis entre parenthèses – l’écriture cosmique révélée au moment de l’observation. La nuit suivante, le croissant s’est déplacé et l’écriture a été transformée ou étendue. Mais au fil de l’augmentation du croissant, sa luminosité efface, du script Zodiacal, le passage spécifique du code qu’il a mis en exergue.

C’est, exactement, sur ce mode que l’Inscription sur le Graal fonctionne.

 

Un Mythe Historique

Wolfram accorde une grande importance aux structures célestes qui sont parallèles à la Quête. Au début de son ouvrage, il explique que l’histoire trouve son origine avec un astrologue nommé Flegetanis. La source directe de la version de Wolfram, selon ses dires, vint d’un poète Provençal nommé Kyot qui semble avoir été le protégé du Duc d’Anjou. (Cela explique pourquoi la famille du Graal serait identifiée, historiquement, avec la Maison d’Anjou: le poète invente l’histoire pour honorer son patron). Apparemment, d’anciennes connaissances astronomiques préservées en Arabie – Flegetanis, est sans doute, un nom Arabe latinisé – furent transmises oralement par les poètes Provençaux du sud de la France et ensuite confiées à Wolfram qui les coucha sur le papier.

Au travers de tout Parzival, Wolfram fait référence à des événements Zodiacaux et planétaires qui se déroulent durant la Quête. Son information est si précise, et détaillée, que l’on peut localiser la contre-partie historique de la Légende du Graal durant la période de trois années durant laquelle Saturne transite dans la Constellation du Crabe. Ce transit se manifeste trois fois, durant chaque siècle, mais les conditions Zodiacales sont hautement spécifiques. Le transit mentionné par Wolfram pourrait correspondre à des événements au milieu du 9 ème siècle, vers 848, mais aussi au milieu du 10 ème siècle, vers 966.

Wolfram connecte explicitement la constellation du Crabe à la Blessure d’Amfortas: «Nous savons à partir de la blessure et de la neige d’été que la planète Saturne est retournée à sa maison». Le terme Moyen Haut Allemand utilisé ici est “zil”, qui signifie “maison, zénith”, dans le langage astrologique. Le zénith du Zodiaque est le Crabe. Selon la légende, Amfortas ressent des douleurs exceptionnelles lorsque Saturne retourne à sa position mais c’est aussi le moment de culmination de la Quête du Graal, lorsque Perceval pose la question.

Alors que j’écris ces lignes, Saturne est au zénith, en transit dans la Constellation du Crabe.

Les indices astrologiques épars dans le Parzival de Wolfram permettent de déterminer la date de la Quête ou, pour l’exprimer d’une autre manière, de retracer les reflets historiques des événements mythologiques qui se déroulent dans la narration de la Quête. Si cela en vaut la peine, on peut ainsi identifier des personnages historiques connus impliqués dans la Quête, y compris un candidat potentiel pour le rôle de Perceval. Par exemple, le poète Provençal Kyot pourrait être identifié avec Guillaume de Toulouse – connu aussi comme Guillaume d’Orange.

D’autres références de l’ouvrage rendent possible la détermination de lieux géographiques importants dans l’histoire. Il semble qu’il y ait eu un certain nombre de Châteaux du Graal dans l’Europe Médiévale. Selon Rudolf Steiner, qui accorda une importance considérable à l’histoire de Perceval, le Château Espagnol du Graal était localisé dans les Pyrénées, près de la ville de Jaca. En raison de toute la désinformation et du brouillard qui sévissent autour du calembour sur le Sangraal, il est impossible de préciser la localisation du principal Château Français du Graal; j’ai l’intuition que cela pourrait être dans les terres ancestrales de la Maison d’Anjou, où qu’elles soient. Le Château du Graal associé avec Lohengrin, le fils de Perceval, était probablement Konigsburg en Allemagne, près de la cité Romaine de Trier.

La Légende du Graal est un mythe historique. Il se déroule dans un temps linéaire même si ses motifs sont éternels et en dehors du temps. Parce qu’il concerne la problématique de la blessure patriarcale, et du Mensonge Paternel, il doit posséder une dimension historique – sinon, il ne pourrait pas offrir une issue de sortie au cauchemar de l’Histoire et annuler le script auto-validant des imposteurs théocratiques.

 

La Transmission

La conclusion du Parzival, dans la version de Wolfram, contient des éléments extrêmement remarquables mais personne ne semble leur avoir accordé beaucoup d’importance. Nous en examinerons certains, ultérieurement, dans le détail. Pour un accompagnement à ces leçons, “Creative Mythology”, l’ouvrage de Joseph Campbell contient la meilleure introduction moderne et le meilleur commentaire psychologique sur la Légende. Campbell consacre l’entièreté des chapitres 7 et 8, un total de 175 pages, au Roi Pêcheur et à Perceval. Il se fend de digressions étourdissantes et sa prolixité est gargantuesque: prenez ce que vous aimez et laissez le reste. A son crédit, Campbell considère, réellement, ce qui se passe après que le Graal ait été réalisé; c’est un sujet qui est presque totalement ignoré dans les nombreux autres ouvrages sur cette histoire extraordinaire.

ParzivalFeirefiz
Parzival avec son demi-frère, l’Infidèle Feirefiz. Manuscrit Cgm 19, folio 49v, State Library, Munich.

Il existe 16 chapitres dans la version qui a survécu du poème épique de Wolfram en Moyen Haut Allemand. Le dernier chapitre de Parzival déborde de rebondissements surprenants. Nous y apprenons que la fin de la Quête du Graal est le commencement d’une autre Quête, qui est actuellement en cours. Tant sur le plan historique que sur le plan atemporel, ceux qui acceptent de participer à la Légende du Graal sont transportés dans un autre épisode, vers un mythe futur. Ainsi que Hesse l’écrivit à la première ligne du Voyage en Orient: «ce fut ma destinée de participer à une grande expérience…». De fait, la continuation de la Quête du Graal oriente vraiment dans cette direction, vers l’Orient. Selon Wolfram, juste après avoir atteint le Graal, guéri Amfortas et assumé le trône du Roi du Graal, Perceval abdiqua immédiatement de son rôle et transmit le Graal à son demi-frère Feirefiz qui l’emmena en Inde et le présenta au Prêtre Jean, le régent mystérieux d’un royaume au-delà des Himalayas. En bref, le Graal fut emmené au Tibet, le royaume légendaire de Shambala. Cette transmission extraordinaire de l’Occident à l’Orient se passa au cours du 10 ème siècle.

Après avoir donné l’artefact sacré du Graal à Feirefiz, Perceval confia à son fils Lohengrin le secret de la mission qui restait à accomplir après que le Graal eut été réalisé.

La transmission du Graal est la partie actuelle de la Légende du Graal. Cette séquence met en jeu le fils que Perceval eut avec Condwiramurs, Lohengrin, le Chevalier au Cygne. La légende de Lohengrin – c’est à dire la forme germinale de la future histoire de la Quête du Graal – se déroule dans la Lotharingie, la province Latine nommée après lui. Cela devint en France la Lorraine mais la tradition associe le Chevalier au Cygne avec la région qui se trouve plus ou moins au nord-est de la Lorraine actuelle – à savoir la Belgique moderne. Lors d’un épisode célèbre, le Chevalier au Cygne vogue sur la rivière Schelde, la principale rivière de Belgique, vers Antwerp où il rencontre la femme qui décidera de son destin.

Dans Parzival, Wolfram prépare le terrain pour l’histoire de Lohengrin en insérant des associations féodales avec la Maison d’Anjou, le siège héréditaire du Château du Graal. Amfortas, qui est en fait l’oncle paternel de Perceval, appartenait à cette Maison. Un petit royaume féodal, formé à partir d’une alliance entre l’Anjou et le Roi de Gascogne, prépare le contexte pour l’histoire de Lohengrin, la suite de la Quête du Graal. Ce royaume fut gouverné par Lambekin, Duc de Brabant et du Hénault. Ces deux noms survivent de nos jours dans les provinces de Belgique de même nom. C’est la région de Belgique établie comme la Province de Flandres durant le règne de Baudouin 1er, qui vécut durant le 9 ème siècle, à l’époque où des événements historiques reflétant la Légende du Graal pourraient s’être passés. Cette même région fut ultérieurement gouvernée par le roi Croisé, Baudouin IX, un contemporain de Wolfram.