Fondements du Tantra Planétaire: Essai 07
Afin de faciliter la compréhension du Tantra Planétaire, je me suis aventuré à évoquer la notion de la “naissance d’un nouvel archétype religieux”. Il se peut que ce langage paraisse quelque peu grandiloquent, comme si j’attribuais une connotation prétentieuse à mon expérience personnelle et purement subjective, mais je ne suis pas le seul à mettre en valeur un tel événement. Et loin s’en faut. Dans le discours populaire, le même concept est appelé “transmutation planétaire”. Ce concept controversé est communément associé avec la date 2012, la fin de cycle du calendrier Maya. La transmutation planétaire fut initialement évoquée lors de la Convergence Harmonique de 1987. Vingt et ans plus tard, elle parvint dans les grands media et fut sérieusement débattue dans des articles de fond dans le New York Times. Son porte-parole le plus en vue, pour la génération urbaine des moins de 40 ans, est Daniel Pinchbeck. De mon point de vue Gnostique, et de par l’identification que j’établis entre Sophia et Gaïa, j’appelle cet archétype “l’Eveil de Gaïa”. On pourrait tout aussi bien l’appeler “l’Eveil de Sophia” ou “l’Ascension de Sophia”. Ses caractéristiques spécifiques sont les suivantes:
1. Le facteur onirique, le rêve lucide. L’entéléchie planétaire s’éveille en son rêve et non pas d’un rêve. Le concept de rêve est parallèle au Temps de Rêve du mythe Aborigène tout autant qu’aux dieux rêvant tels que Vishnou. “Le Rêve” est une métaphore émanationniste: elle décrit un monde soutenu par l’imagination divine de façon immanente et concomitante dans le temps réel, non pas un monde créé une fois pour toutes, comme une poterie l’est par le potier. Dans ce cas, la puissance imaginative de soutenir le rêve-monde appartient à l’Eon – ou Divinité – appelé Gaïa-Sophia-Vidya, qui demeure également dans le monde qu’elle émane.
2. La présence de Kali. D’où une mise en exergue du pouvoir mystérieux du temps et de la chronicité, de la fin d’un cycle cosmique, du Kali Yuga et de la puissance ineffable de l’instant, le moment présent, Kala. Une mise en valeur également du courroux de la déesse à la fin de ce cycle. Kali est une déesse guerrière. Les neuf Mahavidyas de sa suite sont toutes des émanations de la puissance du temps, Kala-shaktis. Kali est une déesse de choc et la destructrice suprême des tabous.
3. Le facteur tribal. L’archétype s’incarne au travers de connexions tribales et de réseaux souterrains de la culture de la jeunesse plutôt qu’au travers du grand public et de la société dans son ensemble.
4. L’amour comme un siddhi. Accentuation du rôle de l’amour personnel passionné dans l’élaboration de la connexion avec le Divin; la fusion de l’amour et du surnaturel. D’où le système de copinage Tantrique, le “yoga des consorts”.
5. La magie interactive avec mantra et yantra. Ces éléments traditionnels de la pratique religieuse (une technologie sacrée, pour ainsi dire) sont uniquement appliqués à la connexion planétaire plutôt qu’à des pratiques et des rituels dévotionnels avec des divinités abstraites ou intangibles. C’est une magie intentionnelle sans supplications, sans sacrifices ou sujétions. Le noyau intégral de l’archétype, le Nexus des Shaktis, est un jeu d’outils polyvalents pour la magie intentionnelle. La preuve de ce système réside dans sa pratique avec le jeu d’outils, non pas dans la croyance ou dans la foi aveugle.
6. L’identité de Dakini pour Gaïa. L’invocation de VV contraste avec l’invocation de “Dieu” sous des noms divers tels qu’Allah, Jéhovah, etc… parce que les divinités ainsi interpellées ne sont pas présentes dans le monde sensoriel et n’engagent pas l’attention d’un individu si ce n’est par un acte de fantaisie schizophrénique. (Woody Allen: «c’est drôle mais quand je parle à Dieu, je me rends compte que je me parle à moi-même»).
7. Dakinis de Ciel de Diamant. Emprunté au Bouddhisme Tibétain ou Vajrayana et cependant adapté de façon unique au Nexus des Shaktis dans le pentagramme – ou “étoile Vajra” – autour de VV. Les Dakinis de Ciel de Diamant sont des aspects de Gaïa dans les cinq modalités des sens (vue, ouïe, toucher, odorat et goût), dans les lumières primordiales, dans les cinq familles tribales, et dans de nombreux autres parallèles. Dans ce pentagramme, les pouvoirs de la divinité planétaire sont sensuellement présents, disponibles pour des applications magiques et rituelles.
8. Finalités désidératives et libérationnistes. Les Mahavidyas satisfont aux désirs personnels et, simultanément, les Dakinis de Sagesse guident vers la réalisation transpersonnelle, sans aucune contradiction ou conflit. Cette coopération des deux types de finalités est une caractéristique saisissante du nouvel archétype que l’on ne trouve dans aucune doctrine religieuse antérieure ou dans aucun autre système de croyances précédent. Cet archétype sera donc adopté par ceux qui reconnaissent et embrassent l’unité de ces finalités apparemment antinomiques et qui souhaitent la mettre en pratique.
9. Les Shaktis Lunaires. L’instruction directe des Dakinis est accessible à quiconque au travers d’un rituel d’attention fondé sur les cycles lunaires. Similaire aux pratiques Païennes ou Magiques, tels que les rituels Indigènes de l’Inde Dravidienne (Tamil Nadu), c’est la matrice culturelle et historique du Tantra Gaïen.
10. Terma sériel de génération collective. L’archétype de l’Eveil de Gaïa est un mythe de participation dérivé de la narration sacrée Gnostique de l’Eon Déchu, Sophia. Il est tribal, non-institutionnel, anti-autoritaire et anti-doctrinal. L’archétype émerge dans un cadre temporel de 208 années. C’est une spiritualité de source ouverte, un terma sériel produit collectivement au travers de générations de 30 années débutant en 1945 et se terminant en 2216, la fin du Kali Yuga et également l’heure de minuit du cycle de 25 920 années de la précession zodiacale.
11. L’archétype est intégralement contemporain. Le Tantra Planétaire, fondé sur la magie de Kali utilisant la puissance du désir, n’est pas le système religieux suprême de tous les temps mais ce qui fonctionne le mieux pour ce moment particulier dans le temps. C’est le système de libération le plus approprié pour les conditions de décadence de notre époque. C’est le message explicite du Tantra Mahanirvana, l’une des quelques sources écrites qui prédit clairement le Tantra Planétaire.
12. Le Bouddhisme occulte ou l’histoire alternative du Dharma du Bouddha. Le chemin de libération au travers du désir, révélé dans le secret par Shakyamuni à un petit groupe d’amis, trouve son expression dans l’option désidérative du Tantra Planétaire. Cette histoire alternative inclut une narration inconnue du shamanisme Bon Pö, l’identité de Padma Shambava, la relation Bouddhisme-Gnosticisme, l’origine du Voeu du Bodhisattva, les origines du Bouddhisme Tantrique dans le culte de la déesse Dravidienne, une révélation du jeu de manipulation mentale lamaïste – et de son monopole sur la sagesse des Dakinis, l’origine du yoga de la divinité, la dérivation des phases de génération et de complétude du Dzogchen à partir de la sorcellerie Indigène Bon Pö.
13. Le Kala Tantra est en germe au coeur de l’archétype. La pratique de la magie sexuelle fondée sur la connexion planétaire est inhérente à cet archétype mais elle contraste avec “l’accès général” du Tantra Planétaire qui n’implique pas, ou ne requiert pas, de pratiques sexuelles. Les trois principes fondamentaux, le rite Dakini d’addiction (“langue sur le couteau”), le panchatattva (la consécration quintuple du désir) et le panchamakara (la consécration quintuple du corps) sont des éléments du Kala Tantra qui émergent au travers des générations, offrant l’opportunité d’une mutation profonde et durable de l’espèce humaine en harmonie avec les finalités de Gaïa. (Voir ci-dessous pour plus d’informations sur la distinction entre le Kala Tantra et le Tantra Planétaire).
Sans Récompenses
Je continue d’être étonné par les caractéristiques de cet archétype, plus particulièrement le facteur 8. Dans mon rôle auto-proclamé de terton, il est vrai que je l’ai identifié et que je l’ai décrit. Dans ce cas, le concept de “provenance” pourrait s’appliquer.
Le provenance du Nexus des Shatis m’échoit donc mais je ne suis pas à l’origine de cet archétype. Je le considère avec la même curiosité et le même émerveillement que quiconque d’autre le découvre. Je suis convaincu que cela n’est pas quelque chose que j’aurais pu inventer. C’est peut-être étrange à dire, mais c’est ce que je pense. Cela requerrait l’opinion indépendante d’un érudit des religions pour déterminer si ma vision est objective, et sensée, ou purement un effet de la prétention et de l’engouement.
L’inflation psychique est caractéristique du schizophrène faiseur de mythe qui considère ses fictions comme des révélations divines qui émanent de l’au-delà. Je suis conscient de ce risque tout autant que quiconque qui serait enclin à m’en mettre en garde, merci bien. Il faudrait que je sois complètement insensé pour présenter cette matière au monde sans en reconnaître le risque et sans l’avoir constamment à l’esprit. La validité du Tantra Planétaire doit parler pour elle-même et elle le fera. Quiconque est persuadé qu’il procède de ma fabrication personnelle, je ne puis le convaincre qu’il en soit autrement.
Je mets au défi tout érudit de nommer un autre archétype religieux ou un autre système de croyances émanant d’une autre culture ou d’une autre époque qui fusionne les finalités désidératives et libérationnistes à la manière de celui-ci, sans même en mentionner les autres caractéristiques qui, à ma connaissance, sont relativement uniques.
Le facteur 8 est véritablement extraordinaire pour tout spécialiste qui comprend la composition de tels archétypes. Il est saisissant. Il se peut qu’il paraisse anodin à toute personne non au fait… J’encourage la patience et la réflexion: il vaut la peine de focaliser votre attention sur ce concept de l’unité des finalités désidératives et libérationnistes. La comparaison suivante pourrait être appropriée:
Dans le Christianisme, les croyants tentent d’être de bonnes gens en suivant les Dix Commandements ou les enseignements moraux de Jésus – en poursuivant ce que l’on pourrait considérer comme être des finalités altruistes et transpersonnelles. Dans une large mesure, la conformité à la “Volonté de Dieu” se rapproche d’une finalité libérationniste: le Chrétien qui se comporte correctement a la promesse d’être récompensé par la vie éternelle au ciel, l’équivalent de la libération de la mort et de la souffrance. En même temps, le Chrétien dévot demande, au dieu paternel, de lui exaucer ses souhaits et désirs personnels, de lui conférer le succès, de l’assister dans les actions ordinaires de la vie…
Il semblerait donc que les finalités désidératives tout autant que libérationnistes coexistent dans la foi Chrétienne, en quelque sorte. Mais l’archétype du Nexus des Shaktis présente une dynamique différente: il ne s’agit pas de co-existence mais de coopération entre ces deux finalités. Dans le Christianisme, les désirs, dans cette vie, peuvent être exaucés en tant que récompense d’un bon comportement alors que la rétribution ultime viendra ultérieurement, après la mort. C’est du moins ce que de nombreux Chrétiens croient. Dans le Tantra Planétaire, tout au contraire, il n’existe pas de système de récompense, maintenant ou jamais. Les Mahavidyas ne récompensent pas leurs dévots parce qu’ils poursuivent des finalités libérationnistes ou quoi que ce soit d’autre. Et certainement encore moins en raison de leurs bonnes actions! Elles n’exaucent pas des désirs en relation avec la juste valeur mais strictement en réponse à l’intensité. Il en est de même pour les finalités libérationnistes qui sont réalisées par le biais de l’intensification de l’expérience de la présence immédiate dans le monde sensoriel, dans la dimension magique et extatique de la Nature. Le désir et la libération partagent le terrain commun du ravissement et de l’intensité de l’immersion extatique.
L’expérimentation avec le Nexus des Shaktis ressemble à la religion Shakta du culte de la déesse – que l’on considère maintenant comme étant l’origine historique du Bouddhisme Tantrique – quant à l’aspect suivant: elle fait de l’extase, du ravissement, plutôt que de la récompense, le point focal de l’interaction avec le Divin. Mais l’extase constitue également le fondement et le chemin de cette pratique. A l’image de la norme Dzogchen, à savoir une pratique directrice unique, l’invocation de l’extase intègre le fondement, le chemin et la finalité.
Amour de Gaïa
Le Ravissement prophétisé par l’eschatologie Chrétienne est un événement planétaire par lequel ceux qui sont “sauvés” participent au retour du sauveur, Jésus-Christ. Bien que le scénario courant du Ravissement soit relativement récent (c’est la “version Ecossaise”), le Nouveau Testament contient certaines formulations suggérant l’événement: le Christ ascensionné est dit apparaître de nouveau apo ton ouranon, “dans le ciel ouvert, dans les nuages ou dans les cieux”. A souligner dans ce cas que l’archétype religieux du Retour du Messie est directement identifié avec un phénomène atmosphérique. Il en est de même pour le Nexus des Shaktis: l’archétype religieux se manifeste dans un événement atmosphérique. En ce sens précis, le Nexus des Shaktis est formellement ou structurellement identique au scénario du Ravissement. Cependant, la portée expérientielle du scénario du Nexus des Shaktis est complètement différente.
Les Chrétiens décédés vont être ressuscités afin de participer à la Seconde Venue. De même que ceux qui sont encore vivants, les élus sont propulsés de la Terre vers le ciel. Ils sont transportés hors de ce monde au moment du Ravissement. Par opposition, l’interactivité avec le Nexus des Shaktis se manifeste intégralement au sein de ce monde, les pieds bien ancrés sur la planète. Dans le Ravissement Chrétien, ceux qui sont sauvés aiment le dieu paternel qui, à son tour, sauve ceux qui sont aimés de lui et de son fils, le sauveur né d’une vierge. L’amour de Dieu est une obligation massive dans la religion rédemptionniste. Il faut aimer Dieu sous la menace de ce qui peut se passer dans le cas contraire. Nous faut-il, de la même manière, aimer les devatas du Nexus des Shaktis? Non, pas du tout de la même manière. Mais l’amour de la Terre est une condition du Tantra Planétaire. Dans “La Passion de la Terre”, j’écrivis:
«La perception de Gaïa, telle que la pratiquaient les initiés, était également un acte d’amour parce que la prise de conscience que notre mental n’est pas le nôtre inspire une immense affection pour l’Autre. L’humanité ne peut pas survivre sans observer le lien interspécifique. Ce qui nous rend humains, c’est d’aimer tout ce qui n’est pas humain, les animaux et les plantes, les insectes, l’atmosphère. L’amour pour Gaïa est la vocation la plus élevée de l’humanité. C’est également le chemin de l’illumination qui peut nous conduire à la co-évolution de la manière la plus directe, la plus harmonieuse et la plus sûre.
Lorsque les initiés émergeaient de la chambre intérieure d’Eleusis, dans la lumière claire de l’automne, et lorsqu’ils contemplaient les blés dorés de la plaine Rharienne et, sur les collines environnantes, la silhouette effilée des peupliers et des cyprès, ils percevaient la Nature grâce à la faculté de perception donnée par la Nature même, une faculté sacrée et inviolable.»
Comme les dix-huit canaux du Nexus constituent tous des aspects de Gaïa, l’amour pour la planète – incluant l’adoration et la dévotion pour ses aspects non-humains – s’étend à l’intégralité de l’agrégat. Je pourrais paraphraser la dernière phrase ci-dessus comme suit: le pouvoir de percevoir le Nexus des Shaktis est conféré par le Nexus lui-même. L’amour est un facteur-clé dans cette perception car l’amour est cognitif dans toutes les espèces, et de façon prédominante dans l’humanité. L’amour dans la sphère humaine est une forme de connaître, un mélange de connaissance charnelle et mystique. L’amour pour le Nexus des Shaktis croît avec la connaissance directe de ses opérations, des manifestations outrancières du Divin Féminin. Il s’accroît en proportion de la révérence qui émerge lorsque vous interagissez réellement avec cet archétype. Je soulignerais que le respect joue également un très grand rôle dans l’attraction vis à vis de l’interactivité Gaïenne et, simultanément, dans la réception de cette interactivité. Le respect de cet archétype permet de l’approcher d’une manière ouverte, honnête et satisfaisante. Je ne parle pas d’un respect aveugle ou d’une allégeance inconditionnelle à des croyances qui pourraient lui être afférentes et certainement encore moins d’un respect aveugle pour quelque autorité assumée qui serait mienne. Je parle du respect que l’on confère à une montagne que l’on gravit ou que l’on confère à un océan sur lequel on va naviguer…
Démence Religieuse
Ce thème m’amène à évoquer un échange récent de mails qui souleva la question de savoir si le Tantra Planétaire ne pourrait pas juste être une autre obsession religieuse, tout aussi pernicieuse que les précédentes, telles que les religions rédemptionnistes du Judaïsme et du Christianisme que j’ai rigoureusement réfutées sur le site de la Métahistoire et dans mon ouvrage “La Passion de la Terre”. Mon interlocuteur, un partisan de l’écologie profonde avec une éducation Chrétienne qu’il rejette, formula les objections suivantes:
«Je lisais votre blog et la page intitulée “Kali’s Game 1” me fit soulever une énorme question. Pouvez-vous s’il vous plaît expliquer la différence entre cette progression terrifiante du Kali Yuga et la théologie annihilatrice-rédemptionniste que vous avez dénoncée avec une telle véhémence dans votre livre “La Passion de la Terre”?»
La différence est la suivante: le scénario du Kali Yuga ne comporte pas un programme de rédemption en quatre points (le “complexe du rédempteur Palestinien”) impliquant 1. le dieu mâle créateur, 2. le peuple élu, 3. le messie surhumain expédié des cieux avec un maître plan et un programme moral, et 4. l’apocalypse ou jugement dernier. Ce sont les composantes de l’archétype religieux du Messie qui a dominé l’Age des Poissons depuis son début en 120 avant EC. Avec le Nexus des Shaktis, il n’existe pas de messie avec un message cosmique d’amour et le pouvoir surnaturel de sauver les quelques élus. Les Mahavidyas, qui entourent Kali, ne sauvent personne: elles confèrent la puissance magique, et l’accomplissement des désirs, à ceux et celles qui interagissent avec elles. Elles stimulent l’intention humaine et extrapolent le désir dans la sphère de la magie empirique. Avec le Nexus des Shaktis, il n’existe aucune promesse d’être délivré de quoi que ce soit si ce n’est des contraintes de la condition humaine – et cela n’est pas une promesse mais un défi. Il n’existe aucun transport vers le royaume des cieux, aucune après-vie de l’immortalité dans la chair.
Enfin et surtout, le scénario mythique du Nexus des Shaktis ne présente pas de guerre apocalyptique entre les forces du bien et les forces du mal bien que le thème de la “guerre magique” ne puisse pas être négligé en ce qui concerne les Mahavidyas. Elles sont toutes des aspects de Kali qui est une déesse de la guerre, selon son identité reconnue. Cette guerre, cependant, se focalise sur l’illusion et non pas sur le mal. Une formulation typiquement Gnostique, précisons-le bien. La vision Gnostique, selon laquelle le défi spirituel de l’humanité est de vaincre l’erreur et non pas le mal, s’applique à la perfection au Nexus des Shaktis. L’enseignement intrinsèque aux Mahavidyas est le suivant: vous ne pouvez pas faillir dans la vie si vous vous en tenez à vos désirs les plus élevés. L’enseignement intrinsèque aux Dakinis est le suivant: c’est une erreur de penser que vous possédez un mental ordinaire.
Les objections continuent: «Ce qui me perturbe est cela: il se peut que vous n’utilisiez pas les mots “sauvés” et “élus” mais, d’un point de vue occidental, je pense que c’est l’implication qualitative de ce que vous décrivez. Le monde devient infernal quoi que nous fassions mais si vous jouez les bonnes cartes, et si vous joignez la troupe d’élite des Kalikas, dès que possible, vous serez épargnés? Cela semble aussi horrible que l’eschatologie Chrétienne!»
Si le Tantra Planétaire est véritablement une alternative à la démence religieuse de notre époque, il ne peut simplement pas être une autre version de cette démence, tel que cet interlocuteur le décrit. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi?
Considérons cette distinction: les Kalikas ne constituent pas un groupe spécial de gens choisis par les divinités femelles du Nexus des Shaktis et sauvés du destin qui échoit au reste de l’humanité. Ce sont des individus qui surpassent les limites de la condition humaine en s’engageant ludiquement dans une connexion surnaturelle. Mais la connexion surnaturelle est couplée – et lui est complémentaire – avec un amour personnel profond. Le Tantra Planétaire n’offre pas un message d’amour cosmique, il invite à vivre l’expérience d’une fusion de l’amour personnel et du surnaturel. Il existe toujours une triangulation en jeu: une dyade et une troisième pointe, le Nexus.
«Mais tel que je vous comprends pour l’instant, le Kala Tantra est une expansion des Mystères gnostiques mais équivalente qualitativement (Sophia = Vidya). Les gnostiques d’antan n’avaient-ils pas des expériences de Gaïa comparables à celles offertes par le Nexus des Shaktis? Kali n’ajoute-t-elle pas une dimension de violence destructrice qui était inconnue des dévots du mythos de Sophia? Comment l’Anthropos s’intègre-t-il exactement à cette nouvelle histoire?»
Le Tantra Planétaire est un chemin d’interaction avec Gaïa-Sophia. Et dans ce sens, oui, il est une expansion ou une extrapolation des Mystères Gnostiques. L’équivalence Sophia = Vidya permet d’ouvrir le genre limité du Gnosticisme (un mouvement défunt avec un vocabulaire extrêmement limité et aucune preuve qui ait survécu de pratiques prescrites) aux riches sphères du Vajrayana, de la religion de la déesse Hindoue, de la cosmologie dualiste Mayavadine, du Shivaïsme du Cachemire, etc. Pour autant que je sache, les Gnostiques des Mystères Sophianiques ne bénéficiaient pas de l’opportunité de l’interactivité magique avec la Déesse de la sorte maintenant disponible. Leur relation avec Sophia était éducative; ils enseignaient et apprenaient à partir de rencontres directes avec la Lumière Organique. Sophia rêvait mais non pas sur un mode lucide. Depuis environ 1775, son rêve devient lucide. Cet événement capital signale un scénario entièrement nouveau pour l’expérimentation mystique avec Sophia.
L’interaction Gnostique était anonyme et impersonnelle, en cohérence avec la nature transpersonnelle de l’initiation. Alors que l’engagement avec le Nexus des Shaktis est intime et personnel.
Vous avez une relation directe avec Gaïa-Sophia, la sagesse vivante de la planète, non pas par le biais de votre ego ou de votre image sociale mais au travers du désir personnel et de l’intention fondée sur le désir. Les devatas du Nexus des Shaktis vous portent à vos désirs les plus élevés. C’est leur défi à l’interactivité tout autant que leur méthode initiatrice.
Planéaire/Kala
Kali, la déesse courroucée, représente-t-elle «une dimension de violence destructrice inconnue des dévots du mythos de Sophia?» Et bien, ces dévots qui étaient pourchassés en exil et assassinés en masse – leurs sanctuaires sacrés rasés et pillés, leurs ouvrages brûlés, leurs connaissances occultées – eurent certainement un parfum de violence destructrice. Tout cela était dirigé à leur encontre par les fanatiques du programme rédemptionniste Chrétien. Mais le courroux de Kali n’a rien à voir avec tout cela. C’est fondamentalement une vague de choc de dévastation morale, émotionnelle et psychique, émanant de l’intérieur. Elle se propage au sein de la population de la planète comme un feu de brousse. Elle se manifeste dans la rage de la jeunesse et dans les impulsions anarchistes, anti-sociales et anti-matérialistes. Kali ne va pas entretenir les illusions humaines et, par conséquent, tout ce qui est fondé sur l’illusion est voué à l’auto-destruction au fur et à mesure que son archétype devient prévalent.
Enfin, mon interlocuteur demanda: «Comment l’Anthropos s’intègre-t-il exactement à cette nouvelle histoire?» C’est une question fondamentale qui ouvre un champ d’investigations de large ampleur. Pour être bref, et pour aller au coeur du sujet, je suggérerai que l’interaction avec Gaïa-Sophia au travers du Nexus des Shaktis va générer des mutations spécifiques de l’espèce humaine, y compris du génome lui-même. Je sais fort bien que c’est une fiction Archontique: la manipulation du génome par les extraterrestres. Mais le mythe Gnostique montre clairement que bien que les Archontes souhaitaient violer Eve et l’imprégner de leurs semences, ils n’y réussirent pas. Ils ne parvinrent seulement qu’à pervertir l’image spectrale d’Eve, de la femme. Selon ma conception, les Archontes ne peuvent pas accéder au génome humain. Mais il se peut que l’interactivité avec le Nexus des Shakti précipite des mutations, engendrant une nouvelle souche d’humanité. Selon mon expérience, personne ne peut ressentir l’impact direct du Divin Féminin sans en être transformé, de façon permanente.
Le concept “d’enfants indigos” ou “d’enfants cristal” semble être une fantaisie du Nouvel Age qui pointe dans cette direction. Je n’ai que peu de connaissances relatives à ce phénomène et je ne sais pas dans quelle mesure il peut dériver de ces fantaisies du Nouvel-Age. Il serait intéressant de déterminer si cela a été connecté, de quelque façon, avec des phénomènes telluriques, avec Gaïa ou avec la magie des Dakinis. Je pense, néanmoins, que cela n’est pas le cas, à ce jour.
En ce qui concerne ce problème épineux de mutation, il me faut clarifier la distinction entre le Kala Tantra et le Tantra Planétaire. Comme ces deux systèmes me sont parvenus lors d’un impact unique, l’été dernier, je ne les ai pas initialement différenciés d’une manière claire et cohérente. Il est grand temps que je le fasse et voici:
Le Tantra Planétaire est un cas limité du Kala Tantra qui, de façon générale, est la pratique de la libération au travers du désir, une pratique adaptée aux derniers siècles du Kali Yuga, juste maintenant. C’est le chemin annoncé et préfiguré dans le Mahanirvana Tantra, “le Tantra de la Grande Libération”:
«O, ma sublime consort, Sureshvari, quelle que soit la caste à laquelle ils appartiennent, ou pas de caste du tout, les personnes de cet âge de décadence [la fin du Kali Yuga] ne peuvent pas distinguer le pur de l’impur, ne peuvent pas obtenir la libération par des rites traditionnels ou le succès par les méthodes des traditions reçues. En vérité, je te dis, ma Bien Aimée, qu’en cet Age de Kali il n’existe pas d’autre voie de libération que celle proclamée par les Tantrikas… Je ne connais pas de dharma supérieur à celui des Kaulas et c’est en le mettant en oeuvre que l’on accomplit l’Expérience Divine». Shiva s’adressant à Parvati dans le “Culte de Shakti”, II, 6-7, IV, 42.
Kaula-dharmat paro dharmo nasti jnane tu mamake: «Au travers d’une application rigoureuse de cette pratique Kalika, on accède à la connaissance ultime (jnana) dans l’Etat Suprême.» Non pas de l’Etat Suprême, mais en lui. «C’est le chemin le plus excellent qui fut gardé caché en raison de la mentalité aveugle des individus matérialistes mais lorsque l’Age de Kali sera bien avancé, cette voie sera ouvertement révélée» IV, 42. En d’autres mots, ce qui occulta cette voie rapide vers l’extase empreinte de sagesse, dans sa vérité la plus suprême, fut l’obtusité des routines mentales humaines, et plus particulièrement les routines insensées des individus matérialistes qui assument, non seulement, que les choses matérielles sont tout ce qui importe dans la vie mais, qui pis est: que la matière est strictement distincte du spirituel. La folie du matérialisme est d’assumer une fausse opposition entre le concret et le sublime, entre l’ordinaire et le divin. Le Kala Tantra pulvérise cette opposition. Pour les Kalikas, il n’existe pas de différence entre la sphère matérielle et la réalité immatérielle.
Le Tantra Planétaire est ouvert à tout un chacun, le “grand public”. Il n’implique aucun rite occulte ni aucune pratique sexuelle de quelque sorte que ce soit. Il consiste à établir la connexion avec Gaïa-Sophia en invoquant son nom secret de Dakini et en prononçant le Voeu du Tantra Gaïen. C’est tout. L’approfondissement de la participation dans le Tantra Planétaire procède de l’étude et de la pratique avec le Nexus des Shaktis – étudier les cycles des shaktis lunaires afin de transcevoir les instruction des Dakinis, plonger dans la magie quintuple du Vajra, et ainsi de suite. Tout un chacun peut réaliser cela tout en continuant d’avoir une vie normale.
Le Tantra Planétaire est donc le chemin de magie interactive avec Gaïa, poursuivi au travers de l’expérimentation avec le Nexus des Shaktis une fois que le Voeu a été prononcé. Le Kala Tantra est une expérimentation avancée qui implique la magie sexuelle, le yoga des consorts et des pratiques rituelles telles que les charmes et l’encordage (la construction de yantras chaotiques dans les arbres, en utilisant des cordes de soie et de laine).
Par analogie aux “sports extrêmes”, tel que le snowboard sur les neiges du Mont Everest, le Kala Tantra est une spiritualité extrême. Il implique une exploration psychonautique dans des états de perception accrue induits par des plantes psychoactives. C’est un shamanisme de forme libre, impliquant la divination et les charmes (magie intentionnelle). Il inclut également le chant, les rites psycho-acoustiques, la transe et la danse (la danse sacrée de sarod). Le Kala Tantra est cultique, ritualiste, extrêmement idiosyncratique et anti-social. C’est une pratique des kulas, les tribus de Kali. Il est adapté aux éléments marginaux et ostracisés de la société: les anarchistes, les anti-globalistes et les autres jeunes aliénés qui n’ont aucun désir d’améliorer le système social. Il n’est, en aucune manière, adapté à la société ordinaire. Le pont entre le Kala Tantra et la vie ordinaire serait peut-être au travers de la musique: par exemple, en introduisant le Shri Yantra, les mantras des Mahavidyas et la danse de sarod sur la scène urbaine de danse-transe.
Le Tantra Planétaire peut être pratiqué dans le contexte de la vie ordinaire mais le Kala Tantra est non-ordinaire, non-conventionnel et anti-conventionnel. Dans sa forme la plus extrême, le Kala Tantra va, je l’imagine, conduire vers une vision totalement nouvelle de l’Anthropos – pour ne pas dire une nouvelle version! Alors que Sophia s’éveille dans son rêve lucide, son attention se dirige principalement vers l’espèce humaine parce que nous sommes le projet originel de son Rêve. L’invocation de VV, et la prise du Voeu de Tantra Gaïen, sont les voies permettant d’unir notre attention à la sienne. C’est la connexion d’inspiration Gaïenne qui peut soutenir de nombreuses activités porteuses de vie. Le Tantra Planétaire est destiné à l’intensification de la vie comme elle est.
Le Kala Tantra est le chemin extrême dans les dynamiques intimes du Rêve de Gaïa. Il est possible que l’immersion extatique dans la Nature altère la nature humaine. Le Kala Tantra est le chemin de la transe-mutation, une magie évolutive de haut niveau. C’est ce qui porte une partie de l’humanité au travers du pralaya, la transition du Kali Yuga au prochain Age, le Kalpa suivant de 26 000 années qui commence en 2216 EC.
John Lash. 29 mai 2009.