Extase et Révolution: 04. La Transmutation Planétaire

John Lash. J’aimerais commencer en faisant deux remarques. La première remarque brève concerne le titre général: “Extase et Révolution”. Je trouve que la juxtaposition de ces deux termes est fascinante et cela m’interpelle beaucoup. Les auditeurs des précédentes émissions-radio de ce cycle se rappelleront de ce que nous avons évoqué au sujet de ce titre lors de la première causerie portant sur la Thèse Wasson et je voudrais le réitérer brièvement. Le titre reflète l’idée que nous avons d’une grande potentialité. Ce n’est pas notre idée, l’idée de Joanna Harcourt-Smith ou de John Lash, mais je dirais que c’est une idée que nous incarnons ensemble dans notre génération. C’est une idée de la génération des années 60, à savoir qu’en transformant notre conscience, nous pourrions transformer le monde.  Nous comprenons, avec la perspective de 40 années passées, et sans doute parce que nous avons un peu plus de maturité et de profondeur, nous comprenons, en premier lieu, que pour transformer la conscience, il nous faut nous impliquer dans l’extase et la transe. C’est une méthode qui a fait ses preuves de par le passé; c’est l’essence du shamanisme traditionnel; c’est la tradition sacrée des plantes visionnaires que l’on retrouve dans toutes les cultures Indigènes. J’ajouterais donc que l’expérience de l’extase est une expérience de transformation de la conscience. Et la plus puissante que nous connaissions.

Joanna Harcourt-Smith. A ce sujet, j’aimerais revenir à Castañeda. Il parla de bandes de fréquence. On pourrait dire que nous sommes coincés dans une certaine bande de fréquence, dans une certaine fréquence-radio. Et peut-être souhaiterions-nous partir en quête d’autres bandes de fréquence, d’autres sources d’émission?

John Lash. C’est un concept génial. Je pense que le modèle de Castañeda est très utile. Carlos, ou Carlitos comme nous aimons l’appeler, proposa un modèle fascinant de bandes d’émanations. Et sa description de la transformation de la conscience était très simple. J’aimerais évoquer la définition par Castañeda du shamanisme, ou de la sorcellerie, en tant que maîtrise de la perception. Il parla de perception accrue comme de l’état que nous réalisons lorsque nous sortons de la bande de fréquence habituelle, en laquelle nous vivons, pour explorer d’autres bandes. Ce que nous disons ici se maille parfaitement avec l’oeuvre de Carlos Castañeda: les plantes sacrées nous ont été offertes par la Nature afin que nous puissions nous déplacer au travers des autres fréquences. En tant qu’êtres humains doués de facultés cérébrales spécifiques, de facultés de langage, de facultés de création de symboles, nous sommes enclins à nous nicher dans une bande bien définie. Cela constitue notre cadre conceptuel global. Mais la Nature nous a fourni le moyen de nous dépasser nous-mêmes et de sortir de tout cela.

C’est ce que font les plantes sacrées mais ce n’est pas ce que font les drogues. Les drogues, la plupart des drogues, les drogues prescrites, les drogues produites en laboratoire, ne font que générer une altération au sein de la bande de fréquence en laquelle nous sommes. Elles perturbent cette bande de fréquence ou bien alors elles nous confèrent un sens illusoire de flexibilité au sein de cette bande. Par contre, ce dont nous parlons, et ce dont parlait précisément Carlos Castañeda, c’est de permuter de bandes, c’est de nous engager, intentionnellement, dans d’autres fréquences d’organisation. Par exemple, de visualiser l’univers en perception vraie, en hallucination authentique.

Lorsque les shamans peignent des tableaux qui montrent des structures microscopiques de l’univers, ce n’est pas une fantaisie d’artiste; ils le font, les shamans-ayahuasqueros par exemple, parce qu’ils sont réellement capables de percevoir directement la structure moléculaire. Je l’ai réalisé moi-même, c’est un fait indubitable. Je peux le faire, intentionnellement: c’est une expérience que je peux reproduire mais je ne peux pas le faire sans l’aide des plantes de vision. De même, il est possible de percevoir à l’échelle macroscopique afin de regarder à l’intérieur du soleil, de contempler le coeur de la galaxie. Ces perceptions sont toutes du domaine du possible pour le mental humain. Ce que nous proposons avec ce titre “Extase et Révolution”, c’est que le processus consistant à expérimenter ces perceptions, et à développer les pratiques qu’elles requièrent, est également connecté avec la dynamique de révolution et de transformation de la société en laquelle nous vivons.

Suite à cette introduction, j’aimerais continuer avec le concept de société versus l’espèce. Il y a quelques années, sur le site de Metahistory.org, j’ai évoqué cette notion comme étant une situation conflictuelle. J’aimerais expliciter brièvement ce que j’entends par ce conflit. C’est très simple. A vous auditeurs, qui nous écoutez aujourd’hui et qui considérez que, à certains égards, et peut-être même à de nombreux égards, vous vivez dans une société inhumaine, dans un monde inhumain, je vais poser la question suivante. Qu’allez vous donc faire à ce sujet? Allez-vous rester dans cette société inhumaine et tentez d’en faire une société humaine? Ou bien allez-vous faire quelque chose de tout à fait autre? Et dans ce cas, quelles sont vos options?

Joanna Harcourt-Smith. Cela me rappelle une plaisantrie entre deux copines dont l’une demande à l’autre: «En fait, tu es en colère parce qu’il a couché avec son avatar»?

John Lash. Le phénomène de l’avatar, et de nombreux autres phénomènes de notre société corrélés à l’électronique et à la technologie, nous aliènent, selon mon opinion, de notre humanité et du monde naturel. Cela peut sembler une affirmation hypocrite de ma part parce que je suis en train, présentement, d’utiliser cette technologie pour vous atteindre mais cela n’est pas très grave car ce n’est pas différent d’une radio, cela n’est pas différent de moyens de communication qui ont existé depuis des siècles. Je ne suis pas opposé à la technologie par principe. Je suis opposé aux exagérations de la technologie telles qu’elle devienne une béquille qui se substitue à nos propres facultés et qui remplace notre relation à la Nature ainsi que Herbert Marshall McLuhan (1911-1980) l’a fort bien démontré.

Joanna Harcourt-Smith. Au risque que cette technologie devienne partie intégrante de notre humanité. Alors que ce n’est qu’un moyen de transmettre quelque chose, mais cela ne fait pas partie de notre humanité.

John Lash. Exactement, c’est une très bonne distinction. Nous sommes là, en train de faire de notre mieux pour rester humains sur l’internet en utilisant la technologie et, dans une certaine mesure, pour humaniser cette technologie. Mais je voudrais mettre en valeur que les effets déshumanisants de la technologie électronique sont considérables. Tout autant que ses effets déstabilisants et dématérialisants, à savoir la manière dont ils nous aliènent de notre corps, dont ils nous font sortir de notre corps, et de nos sens, pour nous projeter dans un pseudo-monde ou une simulation de monde. Tout cela est très dangereux. Donc, cela tombe sous le sens que si c’est le cas, si nous vivons dans une société dominée par la technologie, cela sans doute va tendre vers une direction inhumaine. Nous avons souvent échangé avec Joanna, particulièrement dans le contexte du magnifique Institut Marion qui nous sponsorise, à propos des projets et des dynamiques financées par cet institut pour transformer la société et l’améliorer. Parfois, nous nous sentons quelque peu inconfortables avec cette vision car nous ne tentons pas de diffuser un message dans le but d’améliorer la société. Le message que nous transmettons a pour finalité de proposer un autre type de société. Nous sommes tous confrontés à ce choix, je pense. Voulez-vous interagir avec cette société, telle qu’elle est, afin de l’améliorer? Ou bien refusez-vous de prendre cet engagement afin de placer votre espérance de changement, et votre désir d’un futur meilleur, quelque part ailleurs? Je pense que c’est un questionnement qui est fondamental, pour nous tous, en cette époque où émerge la notion de Transmutation Planétaire. De quelle manière souhaitez-vous participer à cette Transmutation Planétaire? Voulez-vous continuer votre vie de citadin et développer des jardins de terrasse afin de pouvoir faire pousser des légumes au coeur de la ville? Voulez-vous améliorer les moyens de transports publics dans la ville afin de limiter l’usage des voitures individuelles? Ce sont des moyens d’agir de l’intérieur de la société afin de l’améliorer, de l’humaniser et de l’harmoniser sur le plan de la santé. Ou bien refusez-vous d’améliorer la société, telle qu’elle est, afin de vous propulser vers tout autre chose?

Joanna Harcourt-Smith. C’est exactement la finalité de Future Primitive: c’est d’amener des informations émanant de sociétés ou cultures qui ont existé il y a très longtemps, et qui sont détruites ou qui ont été grandement détruites, et de chercher des partenaires dans le monde présent, dans le monde moderne, qui veulent créer un nouveau mode de vivre ensemble.

John Lash. Exactement. L’ordre de mission de Future Primitive contient la notion de communautés émergentes, que certaines personnes appellent des communautés intentionnelles, ou des écovillages, et de nouvelles organisations dans un environnement planétaire harmonieux. Afin de nous orienter vers cette nouvelle direction, on pourrait très bien imaginer de tourner le dos à cette société telle qu’elle est, la société conventionnelle, afin de créer une nouvelle société. Un village alternatif ou un écovillage ne fait pas vraiment partie de la société: c’est en fait un modèle totalement différent de société. C’est donc le choix auquel nous sommes tous confrontés et c’est une façon d’appréhender comment vous vous positionnez par rapport à ce processus de Transmutation Planétaire.

Joanna Harcourt-Smith. Revenons maintenant à l’évolution des plantes et des substances qui étaient utilisées, et qui sont encore utilisées par certains, afin de percevoir l’expérience religieuse primordiale. A cet égard, j’aimerais parler de Timothy Leary qui, lors de ses deux arrestations, Fédérale et Californienne, fut emprisonné pour des quantités infinitésimales de cannabis. Il existe un ouvrage “Ivresses dans l’histoire – les drogues, des origines à leur interdiction” d’un auteur espagnol, Antonio Escohotado, qui prétend que Timothy Leary fut arrêté en Californie pour possession d’un kilo de Marie-Jeanne. C’est un mensonge total. Je pense que je connais l’histoire de Timothy Leary mieux qui quiconque aujourd’hui sur cette planète, à l’exception sans doute de son archiviste, Michael Horowitz. C’était en fait pour une quantité de 0,01 gramme. C’est important parce que cela nous donne la possibilité d’évoquer la séparation entre d’une part l’humanité, l’espèce humaine, et d’autre part la planète, la Terre, la Terre organique dont nous venons et à laquelle nous appartenons. 

John Lash. Je voulais mentionner cet ouvrage que je recommande, malgré cette erreur très importante, et peut-être d’autres erreurs de ce type, en raison de la vision globale qu’il développe du sujet et en particulier parce qu’il complète ce dont nous avons discuté ici à plusieurs reprises, à savoir la prohibition de notre accès aux plantes médicinales et sacrées que l’on sait être totalement inoffensives, non-addictives, dont on connaît les qualités de guérison, de vision et que l’on sait avoir été expérimentées et utilisées par les cultures Indigènes durant de nombreux millénaires. Une des choses qu’Escohotado fait parfaitement dans son ouvrage, c’est qu’il décrit en détails, en revenant à l’époque des guerres de l’opium, durant le 19ème siècle, le double-jeu que les Autorités ont toujours joué, ces mêmes Autorités religieuses et gouvernementales qui prohibent des substances naturelles et qui en tirent également profit et les utilisent à leur manière, derrière la scène publique.

Tout cela est devenu très clair, pour nous, au moment de l’affaire Iran-Contra en 1986 et je pense que tous les individus, qui sont socialement éclairés de nos jours, sont plus ou moins conscients que les Etats, qui organisent des campagnes de lutte contre les drogues, sont également totalement impliqués dans le commerce de ces mêmes drogues. Tout cela est décrit magnifiquement dans cet ouvrage et cela permet vraiment d’ouvrir les yeux.

Je voudrais maintenant vous poser à tous une question que je considère être, sans doute, l’une des questions les plus essentielles de cet échange. Jusqu’à quel point êtes-vous prêts à accepter de tout laisser passer? Supposons que le jour arrive où Google News vous apprenne que le gouvernement des USA a interdit les courgettes et les framboises. Jusqu’à quel point êtes-vous prêts à accepter de tout laisser passer? Jusqu’à quel point sommes nous prêts, en tant que société d’individus qui s’éveillent, à accepter de tout laisser passer? Il est vrai qu’il n’est pas aisé de protester à l’encontre des actions du gouvernement et cela demande du courage et des tripes de protester et de s’opposer aux Autorités. Mais ce que je veux mettre en exergue est le point suivant: selon ce que je pense, et selon la compréhension que j’ai de cette époque critique en laquelle nous vivons, c’est une problématique décisive.

Allons-nous permettre au gouvernement de nous terroriser au nom de la lutte contre le terrorisme? Allons-nous permettre au gouvernement de nous ôter toutes nos libertés civiles aux USA, par le biais du Patriot Act. Allons-nous permettre au gouvernement de soumettre les gens à des fouilles absurdes et humiliantes dans les aéroports, qui n’ont jamais donné aucun résultat? Combien d’absurdités allons nous accepter? Je pense que nous allons arriver, sans doute, au point où une absurdité finale et absolument inacceptable va prévaloir: à savoir l’absurdité de voir des plantes complètement inoffensives devenir interdites et répertoriées dans la même catégorie que l’héroïne.

Joanna Harcourt-Smith. Nous avons parlé de tout cela durant les deux dernières semaines. Cela me touche profondément d’avoir compris avec toi que tout cela va très très loin parce que, comme je le vois, c’est en fait une séparation entre la Terre et les êtres humains, entre les êtres humains et les animaux, entre les êtres humains et les plantes et les minéraux. Je pense qu’il est extrêmement grave que cela devienne dangereux pour certaines personnes de posséder un crapaud du Colorado (Bufo alvarius) comme animal de compagnie. Comme tu viens de le dire: jusqu’où tout cela va-t-il nous amener?

John Lash. Il faut expliquer que certains crapauds sont psychoactifs et il est possible que vous ne le sachiez pas. Cela explique probablement pourquoi, dans les contes, la jeune fille embrasse le crapaud et devient une princesse. Ces crapauds possèdent une substance chimique appelée bufoténine, sur la peau du dos, et si vous léchez le crapaud, vous allez obtenir un effet hallucinogène.

Joanna Harcourt-Smith. J’ai lu la semaine passée que les autorités du Colorado envisageaient fortement de considérer comme une offense criminelle la possession d’un crapaud du Colorado. Jusqu’où cela va-t-il aller? Va-t-on m’interdire d’embrasser mon chat, l’une des plus grandes joies de ma vie? Va-t-on nous interdire de traire une vache?

John Lash. Sans aller trop dans les détails, permettez-moi de vous expliquer pourquoi les champignons Psilocybes frais viennent d’être interdits en Hollande. Certains d’entre vous savent que lorsque vous venez en Europe, vous pouvez fumer du haschich ou de la Marie-Jeanne dans des cafés en Hollande. Nous ne parlons pas du cannabis, dans ces émissions, parce que nous considérons que le cannabis n’est pas véritablement une plante enthéogénique. Une des caractéristiques de la Hollande, c’est que ce pays a une politique très libérale vis à vis non seulement de la prostitution mais aussi des substances psychoactives. Et durant de nombreuses années, dans les smart-shop de Hollande, on pouvait acheter des champignons Psilocybes frais et secs ainsi que des kits de culture. Il y a deux ans, les champignons secs devinrent interdits et répertoriés en classe A, celle de la cocaïne et de l’héroïne. Récemment, une nouvelle législation a vu le jour pour interdire la vente de champignons frais dans les smart-shops. Pourquoi? En raison de deux incidents en Hollande. Une jeune fille se blessa en sautant d’une fenêtre et un touriste se brisa la jambe dans un accident de voiture après un passage dans une smart-shop. Ainsi donc, sur la base de ces deux incidents, ils ont introduit dans la Communauté Européenne une législation interdisant les champignons frais.

Est-il possible d’aller plus loin dans l’absurdité? Va-t-il falloir que l’on plonge encore plus dans l’absurdité avant que l’on se réveille et que l’on prenne conscience qu’il existe un programme systématique pour interdire aux êtres humains l’accès à la connaissance extatique de la Terre dont nous avons besoin pour notre survie? Et c’est la raison fondamentale de toute cette campagne de prohibition.

Nous avons échangé récemment avec Joanna sur la finalité des cinq émissions de cette série “Extase et Révolution” et nous sommes arrivés à une certaine conclusion, à savoir que cette problématique constitue la clef de voûte. C’est la clef de voûte de la Transmutation Planétaire. Votre positionnement quant à la Transmutation Planétaire va être très certainement déterminé par votre positionnement quant à cette problématique, à savoir notre liberté d’accès à ces plantes ou champignons enthéogéniques.   

Joanna Harcourt-Smith. Je considère qu’il s’agit d’un échange primordial et peut-être l’un des échanges les plus fondamentaux de ma vie. John vient de mentionner que les champignons Psilocybes viennent d’être interdits en Europe et classés dans la même classe A que la cocaïne ou l’héroïne. Je désapprouve formellement l’usage de la cocaïne et de l’héroïne. Mais il s’agit de l’Union Européenne. Je vis aux USA et je suis une résidente étrangère permanente dans ce pays et comme telle je ne peux pas être en désaccord avec le gouvernement des USA. Par contre, je possède un passeport de nationalité Européenne et c’est pour cela que je peux me permettre d’être en désaccord avec l’interdiction promulguée par les gouvernements Européens. Je souhaitais que tout cela soit extrêmement clair.

John Lash. Ce sont, dans un certain sens, des détails de vie personnelle mais je pense que vous pouvez tous prendre conscience qu’il existe un contexte global affectant ces événements de vie personnelle. Et cette situation, décrite par Joanna, nous touche tous, cela nous affecte profondément et cela nous implique tous. Plus personne n’est à l’abri, de nos jours, des contrôles et des programmes des Autorités. Ce que j’espère mettre en valeur, au sein de ces échanges, c’est qu’il existe un seuil de rupture où nous devons réaliser que ce programme est absurde et qu’il nous faut prendre position.

Joanna Harcourt-Smith. Ce dont nous parlons ici, y compris des détails de vie personnelle, c’est que nous devons défendre notre droit de désapprouver, partout dans le monde, quoi que ce soit qui se passe. Nous ne pouvons pas rester passifs et spécifiquement dans ces tentatives d’induire une séparation entre la Nature et les êtres humains. Mais John, je voudrais te poser une autre question. Tout ce dont nous discutons présentement concerne légitimement les champignons et les plantes sacrées de la Terre mais qu’en est-il des substances chimiques telles que le LSD et la Mescaline?

John Lash. Cela nous amène au sujet de Bâle. Il y a deux ans, nous sommes allés à Bâle et c’était le 100ème anniversaire d’Albert Hofmann. D’ailleurs, il y avait un sondage réalisé par un journal en Angleterre dans le but de déterminer quels étaient les 100 plus grands génies du 20ème siècle et la personne qui arriva en tête de cette liste était Albert Hofmann, le découvreur du LSD en 1943! Et un second symposium est organisé cette année (en mars 2008) à Bâle sponsorisé par Gaïa Media. Je pense que l’un des thèmes essentiels de ce symposium sera le même que durant la première manifestation en 2006, à savoir la légalisation du LSD comme psychothérapie, comme thérapie des diverses addictions, etc. Et je présume que la Mescaline et les champignons Psilocybes seront inclus dans la même catégorie de substances psychoactives thérapeutiques.

Pour en revenir à la question de Joanna de savoir ce que je pense de ces substances en relation avec les plantes sacrées. Bien sûr, elles sont toutes illégales aujourd’hui et il en est ainsi depuis un certain nombre d’années. Je souhaite souligner un point que j’ai déjà mentionné dans une émission précédente mais qui vaut la peine d’être réitéré. Avant l’interdiction du LSD, en relation avec Timothy Leary et tout le mouvement underground, il y eut des dizaines de milliers d’articles scientifiques et médicaux, je dis bien des dizaines de milliers d’articles, et il y eut des milliers et des milliers d’études de cas démontrant tous que le LSD posséde des qualités thérapeutiques dans des situations de psychoses, d’addictions, d’alcoolisme, etc. Ce que les responsables de Gaïa Media souhaitent réaliser durant les symposiums de Bâle, c’est de soulever de nouveau la question de la validité du LSD en tant que thérapeutique et la question de la légalisation de cette substance parce que nous vivons dans une société très malade et que le LSD va aider les gens à se porter mieux. Et ils ont totalement raison. Ma position personnelle est un peu plus rigoureuse parce que je pratique le shamanisme enthéogénique relativement restreint aux plantes et champignons offerts par la Nature. Je considère que le LSD est un outil extrêmement valable pour la transformation de la conscience et pour la restructuration psychologique lorsque son usage est adéquat. Il en est de même pour la Mescaline et les champignons Psilocybes. En fin de compte, le LSD et la Mescaline sont des outils qui préparent à faire l’expérience de transes enthéogéniques plus intenses qui procèdent de l’ingestion, dans la Nature, de champignons et de plantes sacrées données par la Nature.

Joanna Harcourt-Smith. Je pense que c’est une distinction excellente mais je voudrais, cependant, amener quelques précisions. Dans le passé, j’ai vécu des expériences avec ces deux types de substances. Dans le passé, j’ai vécu des expériences avec l’ayahuasca, avec les champignons Psilocybes, et j’ai vécu des expériences avec le LSD. Je peux dire que lorsque j’ai consommé des substances synthétiques altérant la conscience, les effets ont été beaucoup plus mentaux. Timothy Leary disait souvent que c’était très érotique et qu’il ressentait un plaisir extrêmement érotique. Je n’ai jamais vécu cela. J’ai ressenti que c’était un voyage mental. Tandis que lorsque j’ai ingéré des substances organiques Gaïennes, je me suis retrouvée dans une connexion extatique avec la Terre dont je procède et vers laquelle je vais retourner.

John Lash. Il s’agit, dans le cas de ces substances synthétiques, d’une augmentation de la focalisation perceptive et pas nécessairement d’une connexion extatique avec l’intégralité et la Beauté de la sphère du monde naturel. Et bien sûr, elles doivent être ingérées dans un environnement adéquat. Ce que vous auriez trouvé en allant en Hollande, durant le bon vieux temps, dans les smart-shops, c’est un petit papier qui accompagnait les champignons Psilocybes afin d’expliquer comment les ingérer avec précaution. Ces plantes et ces champignons ne sont pas différents des autres substances synthétiques, ou même de l’alcool, dans le sens où il est nécessaire de les ingérer avec sobriété et prudence. La différence entre ces champignons et ces plantes, et la plupart des autres substances addictives de notre société, c’est qu’elles sont basiquement inoffensives et qu’il est extrêmement difficile de se faire du mal avec. Les champignons psychoactifs ne sont pas addictifs, et c’est même en fait le contraire, et on ne peut pas se nuire à soi-même sauf si on les utilise de façon très imprudente ou si on les mélange avec d’autres substances.

La question se pose alors de nouveau: si la Nature offre à notre espèce humaine environ 200 espèces de plantes et de champignons pour nous guider, nous illuminer, nous purifier et nous guérir, qu’allons nous faire dans cette société qui nous a imposé le tabou ultime et qui nous interdit d’avoir recours à ces espèces? Je pense que c’est le point de rupture et que c’est cela qui va influencer la Transmutation Planétaire et déterminer de quel côté se situent les gens au sein de cette transmutation dont on parle tant de nos jours.

Joanna Harcourt-Smith. Absolument. Allons-nous défendre nos libertés ou allons-nous permettre à un petit groupe de nous emprisonner dans une bande de perception très étroite?

John Lash. Je pense qu’il va nous falloir bientôt clore cet échange et nous pourrions le faire en évoquant quelque peu les notions, les voies et les débats courants concernant la Transmutation Planétaire. La plupart de ces notions – et je parle de celles de la contre-culture – se sont focalisées, comme vous le savez, sur la date de 2012. J’ai présenté un cycle de 9 essais sur la fin des âges (Voir le site Liberterre: Métahistoire/2012: Transmutation Planétaire) et de nombreux auteurs ont publié des ouvrages à ce sujet. Et pour recadrer notre discussion, je vais évoquer quelques notions générales concernant 2012. Cette date est indiquée par le calendrier Maya et la plupart des chercheurs qui sont impliqués dans ce sujet ne considèrent pas que cette date signifie que les Mayas prédirent la fin du monde le 21 décembre 2012.

Nous avons recouvré cette information de la culture des anciens Mayas qui ont disparu au 10ème siècle et nous l’appliquons à notre époque pour tenter de nous aider à évaluer la crise planétaire en laquelle nous vivons présentement. Nous avons donc sélectionné la fin de leur calendrier comme un seuil de rupture. Cela ne signifie pas que le monde arrive à sa fin, cela ne signifie pas qu’un cataclysme planétaire va se déclencher – bien que les raisons ne manquent pas de penser qu’un tel phénomène pourrait se manifester mais il n’est nul besoin du calendrier Maya pour nous annoncer cela, n’est-ce pas. Nous savions bien longtemps avant que cela ne devienne un sujet commun de débats qu’il va être de plus en plus chaotique de cheminer sur cette planète. Il est donc possible que la fin de cycle Maya puisse nous aider à focaliser notre mental collectif vers un seuil de rupture. La question se pose maintenant de savoir ce qui pourrait se passer durant ce seuil de rupture, selon les divers auteurs et chercheurs. Il existe de nombreuses théories et je vais juste mentionner la plus populaire et la plus positive qui est avancée par un groupe de personnes dont John Major Jenkins, qui est un Mayaniste, et Daniel Pinchbeck. C’est l’idée selon laquelle il existe une avancée dramatique de l’humanité vers une transmutation et une conscience supérieure, une transformation vers un état de connaissance et de conscience qui nous permettrait de mieux gérer la crise sur la planète et même d’envisager une correction, de mi-parcours, qui nous aiderait à nous prévenir de certaines catastrophes qui semblent inéluctables à terme. D’autres personnes, telle que Barbara Marx Hubbard, qui est une proche collègue de Joanna, ont présenté ce même schéma en référence avec la noosphère de Teilhard de Chardin et elles ont émis l’hypothèse que l’humanité soit en train d’évoluer en une spirale évolutive vers une conscience de plus en plus élevée et que, peut-être, l’année 2012 puisse représenter une ouverture vers cette conscience supérieure. Ce sont vraiment de bonnes nouvelles qui sont positives, pleines d’espoir et d’inspiration. De nombreux individus ont embrassé cette vision spécifique de Transmutation Planétaire.

Joanna Harcourt-Smith. Et j’ai l’intention de programmer bientôt une série de causeries pour interviewer des gens tels que James Lovelock, Ralf Metzner – qui pense que nous sommes peut-être cuits en tant qu’espèce mais qu’il est, cependant, de notre mission d’oeuvrer et d’être présents quotidiennement sans se préoccuper des résultats – John Lash qui est sceptique quant à notre survie, et un groupe de personnes qui sont très optimistes.

John Lash. Je pense que c’est une discussion réellement cruciale et cette émission est le meilleur endroit pour en échanger. Nous avons besoin d’entendre les deux côtés parce que la vision que j’ai n’est pas aussi positive et optimiste que celle que je viens d’évoquer mais je suis ouvert pour écouter toute personne qui soutienne cette opinion.

Joanna Harcourt-Smith. Nous accueillerons avec joie tous vos commentaires relatifs à ce sujet de la liberté authentique intellectuelle et spirituelle.

John Lash. Avant de clore cette émission, je voudrais indiquer aux auditeurs un site internet, et même un mouvement, qui sont intimement connectés à cette problématique que nous avons soulevée aujourd’hui. Il s’agit de Gnostic Media et de l’Inquisition Pharmacratique: http://www.gnosticmedia.com/the-pharmacratic-inquisition/

Le message de ce site est très pertinent eu égard à notre échange d’aujourd’hui pour deux raisons. La première, c’est qu’ils sont en train de mettre intensément en exergue le tabou qui a été placé sur l’extase, sur la connaissance supérieure que nous acquérons avec l’accompagnement des plantes sacrées. Et ils font présentement éclater ce sujet au grand jour en informant le monde qu’il existe une inquisition en cours, une Inquisition Pharmacratique, dont la finalité est d’imposer à jamais un tabou sur ces plantes et champignons sacrés et d’enterrer totalement tous les aspects et les accès relatifs à la connaissance extatique de la Nature.  C’est un important travail qu’ils effectuent et ils se sont donnés une lourde tâche. Mais je voudrais souligner qu’il existe des parallèles étroits entre l’Inquisition Pharmacratique et ce que j’ai écrit dans mon ouvrage “La Passion de la Terre”. Cet ouvrage est une condamnation définitive de la religion rédemptionniste (à savoir aujourd’hui, le Christianisme et l’Islam) et il pointe vers le retour à cette perception directe et visionnaire de la Nature en s’inspirant des modèles Gnostiques. Ce sont des notions qui doivent être connues et débattues par toute personne éveillée de notre époque.

Et, secondement, l’une des choses que vous allez trouver sur le site de l’Inquisition Pharmacratique, ce sont des clips vidéo qui présentent une variation de la Thèse Wasson, le sujet de notre première émission. Une des variations de la Thèse Wasson fut présentée par un érudit du Gnosticisme, nommé John Allegro (1923-1988), qui écrivit “The Sacred Mushroom and the Cross” vers la fin des années 60. Dans cet ouvrage, il affirme que le Christianisme était originellement un culte de champignons et que Jésus n’était qu’un nom de code pour le champignon qu’ils ingéraient. Je ne suis pas en accord avec cette variation spécifique de la Thèse Wasson mais elle nécessite d’être connue afin d’avoir une vision globale du sujet que nous évoquons aujourd’hui.

Joanna Harcourt-Smith. Je souhaiterais clore par une question: nous les femmes, allons nous, de nouveau, être brûlées sur le bûcher, ou dans un four à micro-ondes, en raison de notre connaissance intimes des plantes médicinales de la Terre et de notre connexion avec ces plantes?