Le Jeu constitue la métaphore suprême du comportement humain dans le Kali Yuga et ce, plus particulièrement, durant les deux derniers siècles jusqu’à sa complétion en 2216. De par la condition extrême de cette époque, tout acte – ou choix ou aventure – qui ne peut être décliné en termes de jeu ne sera pas compris ou maîtrisé. Dans le casino de Kali, tout comme dans tout autre, la maison requiert que vous nommiez votre jeu et que vous déterminiez la valeur de votre mise. Ce sont les règles de la maison, vous le comprenez bien. Et ce sont des contingences normales.
Qui plus est, dans le casino de Kali, tous les jeux que les joueurs peuvent introduire sont inclus au sein de son Jeu, le pari suprême. Il existe donc une troisième contingence: celle de connaître les règles du jeu de la maison qui intègre tous les autres jeux. Puisque je suis le maître de jeu chez Kali Rising, il m’incombe d’énoncer ces règles.
Le nom du Jeu de Kali est AMOR FATI. Dans le Jeu de Kali, deux choses en constituent l’enjeu et, ensuite, de nombreuses autres choses, à savoir tout ce qui est amené dans le jeu, toutes les variations que les joueurs peuvent y introduire. Son Jeu accepte de nombreuses alternatives avec toutes sortes de choses à gagner et à perdre mais Kali elle-même, la propriétaire de la maison, offre deux enjeux: l’amour et le surnaturel.
Dans le Jeu de Kali, vous jouez simultanément pour l’amour et pour la connexion au surnaturel. Ce double jeu est requis de tous les joueurs, quels que soient les autres paris qu’ils amènent dans le casino. Permettez moi d’expliquer pourquoi Kali impose ces requêtes.
Cycles cosmiques
Kali est une déesse courroucée qui émerge cycliquement, toujours et encore, en tant que l’arbitre finale de la fin de partie de l’espèce humaine. A savoir qu’elle constitue l’aspect de la puissance divine du cosmos qui décide de la conclusion de l’histoire humaine. Cette histoire est un film qui est sans cesse rejoué, comme dans la série des HBO, saison après saison. Chaque fois que l’on arrive au dernier show de la saison, le scénario qui s’est déployé au fil de la saison se conclut de manière différente. Mais la conclusion est provisoire, incomplète avec certains éléments de l’histoire laissés ouverts pour la saison à venir. Chaque film ou répétition cosmique de l’aventure humaine se construit sur les éléments non terminés des épisodes précédents.
Nul besoin de le préciser, il n’est pas de fin pour ces films, pour ces drames se déployant dans une myriade de mondes. Tant qu’il existe un fil restant, un épisode inachevé, un désir non exaucé, un personnage dont le destin n’est pas résolu, un autre film s’ensuivra afin que les élements irrésolus de l’histoire puissent être accomplis, résolus, conclus.
Dans la rhétorique sophistiquée de la cosmologie Tantrique, ce processus de révision et de répétition infinies est appelé shrishti kalpana: “le recyclage ludique des vestiges des anciens mondes”.
De nos jours, les dieux s’ennuient libéralement. C’est un truisme très connu chez les mystiques et les voyants. Les dieux apprécient la perspective d’une série sans fin “HBO” d’aventures humaines, se développant saison après saison, et c’est ainsi qu’ils ont mis en place le processus de sorte qu’il soit éternel. Cependant, pour autant qu’ils adorent le grand spectacle de films sans fin, certains épisodes les ennuient amplement. En prévision de cet ennui, ils arrangent le scénario en fonction d’un mécanisme de relais, un mécanisme cyclique: les âges cosmiques. Les histoires se terminent lorsque l’âge expire même si l’histoire n’est pas conclue. C’est ainsi que les dieux échappent au risque de s’ennuyer avec des épisodes qui n’en finissent pas de finir.
Il existe de nombreuses manières de calculer ces âges cosmiques mais le schéma le plus élémentaire est constitué de quatre cycles. La légende Hindoue du temps de Krishna (3200 avant EC) affirme que les conseillers astrologues de la cour comparaient ces quatre âges aux quatre faces marquées d’un dé à six faces. Ces marques sont appelées des points. Normallement les dés, qui sont des cubes parfaits, sont marqués par des points sur les six faces. Les dés utilisés dans ce casino, Kâlî Rising, sont marqués sur quatre faces seulement avec les deux faces opposées sans rien.
Les âges cosmiques se déroulent en séquence du passé vers le futur comme suit:
– quatre points: l’époque la meilleure des meilleures (Satya Yuga)
– trois points: l’époque la meilleure (Treta Yuga)
– deux points: la bonne époque mais sur le déclin (Dvapara Yuga)
– un point: l’époque déclinante allant de mal en pis (Kali Yuga).
L’opinion courante, concernant les âges cosmiques, véhicule l’espérance d’une évolution ascendante au travers de longs cycles de temps avec un moment de rupture – ou transformation planétaire – vers un âge d’illumination de masse. D’où les attentes utopiennes rattachées à 2012, la fin du cycle Maya. Cette opinion est empreinte d’illusion. Toutes les philosophies de chronologie cosmique, des Hindous aux Hopis, mettent en exergue un long déclin vers une fin catastrophique. Néanmoins, à la conclusion des quatre cycles, nous retournons de nouveau à “l’âge d’or”, le lancer à quatre points. C’est ainsi que les dieux ont tout mis en place de sorte qu’une nouvelle séquence de films puisse commencer avec les plus hautes probabilités que les épisodes résiduels soient résolus à la satisfaction de tous les personnages de l’histoire. Telle est la générosité divine.
Clôture
Mais le retour vers l’Age d’Or est soudain et miraculeux et il ne peut pas être influencé par la volonté humaine. Il ne doit pas être confondu avec le concept de saut quantique vers une illumination globale durant le dernier cycle, le Kali Yuga. Le film ne se déroule pas de cette façon. Jamais.
Cependant, quelque chose d’extraordinaire peut se passer durant les siècles de clôture du dernier âge, le Kali Yuga (de MAINTENANT à 2216). Une opportunité comme nulle avant, dans les âges précédents, se présente maintenant. En ce moment final et flottant, certains êtres humains peuvent jouer au jeu cosmique avec les dieux, tout comme les dieux y jouent, plutôt que de rester aveuglément emmêlés dans les histoires qui amusent les dieux. Et ces humains peuvent réellement pénétrer dans le processus de répétition cosmique et parier sur leur destinée, non pas en termes humains mais comme les dieux eux-mêmes, qui inventèrent le jeu, perçoivent la destinée humaine et y jouent. Il n’existe pas d’illumination collective à la fin du Kali Yuga mais bien plutôt un engagement sélectif dans la règle divine du jeu, Lila.
Les Kalikas – ou dévots de Kali – sont ces individus qui perçoivent cette opportunité de jouer leur destin et de se consacrer à le saisir. Ils misent leurs enjeux sur le Jeu de Kâlî, AMOR FATI.
Ainsi donc, pourquoi Kali pose-t-elle la requête suivante à tous ceux qui entrent dans ce casino: de jouer leur destinée et d’accepter l’amour et le surnaturel comme enjeux du jeu? Il est difficile d’imaginer l’amour suprême et la sublime bienveillance dans l’intention de la déesse courroucée. Kali présente cette requête afin d’offir une opportunité rare. Son Jeu, AMOR FATI, est sa manière de permettre des exceptions à son traitement de l’humanité globale. Souvenez-vous que son rôle est de faire tomber le rideau, de conclure l’âge désigné par un seul point du dé, lorsque la vie décline de mal en pis. Les dieux sont las de ce spectacle de stupidité, de tromperie, d’avarice et ils l’ont pré-programmé pour une clôture cyclique. Kali est le vecteur de cette clôture. Elle est la Déesse de la Clôture. Mais une clôture en ses termes, strictement. Non pas en termes mutuels. Non pas en termes humains.
La vision que Kali a de l’humanité n’est pas ambivalente mais elle véhicule un facteur d’ambivalence. D’une part, Kali porte ce message à l’humanité:
Soit vous participez à ma magie surnaturelle, incluant la puissance magique de l’amour, soit vous n’êtes que gravas, poussières et cendres sur le charnier.
Ne faites pas l’erreur d’imaginer que Kali soit sentimentale quand il s’agit de l’engence humaine. Elle est une mère aimante qui va combler votre désir le plus élevé – si tant est que vous en connaissiez la nature – et vous affamer à mort de toute chimère. Elle n’entretient pas l’illusion et l’ignorance. Elle va annihiler l’espèce humaine – en nous affamant des prétentions vaniteuses dont nous nourrisons nos vies – mais elle nous nourrira de magie authentique. Elle est la plus puissante des sorcières, ici bas tout comme dans l’atmosphère.
D’autre part, Kali offre l’opportunité de parier sur l’amour qui transcende le temps et de gagner l’entrée dans son royaume surnaturel, le Monde Infernal de Gaïa. Alors qu’elle condamne à l’oubli tous ceux qui ne participent pas à sa magie surnaturelle, elle élève ses dévots à un état de libération qui ne peut être atteint à aucun autre moment au cours des cycles cosmiques quaternaires. La vérité brutale est que Kâlî ne prend aucun intérêt à l’évolution humaine. Elle offre aucun soutien pour une vague d’éveil spirituel et de réforme morale qui feraient de la planète un meilleur endroit pour vivre. Elle est sans merci, une authentique guerrière qui bataille et annihile tout sens de séparation, toute intention de tromperie – et plus particulièrement l’auto-tromperie. A cette fin, elle peut être superbement cruelle mais elle n’est jamais capricieuse dans sa cruauté.
La bienveillance de Kali est véritablement sublime. De le comprendre vous fera pleurer des larmes de joie et de gratitude à ses pieds. Loin d’avoir l’intention de sauver l’humanité, cette déesse terrifiante offre la libération de la condition humaine même. La libération, dans le Kali Yuga, c’est cela et ce n’est que cela. Son Jeu intègre tous les autres jeux puisqu’à chaque partie que vous gagnez, il n’y a plus personne pour jouer.