Au point médian du cycle 2009 de Vajrayogini, je continue d’être étonné par la technique adroite et pénétrante de cette Dakini de Ciel de Diamant, la finesse de son tranchant. En effet, lorsque je contemple le thème primordial de son instruction – l’union du désir et de la compassion – mes pensées en sont continuellement interceptées, découpées, réduites à des éclats étincelants d’illumination soudaine. Je ne peux donc plus continuer à méditer sur le désir et la compassion comme auparavant: à chaque fois que je considère ces deux termes dans leur fusion, j’ai le mental sur le mode alerte. En fait, je commence à prendre conscience qu’une grande partie de ce que je concevais, antérieurement, quant à ces deux thématiques est incomplet, inadéquat, confus ou tout simplement erroné.
C’est la contemplation – et non pas la méditation – qui constitue la pratique centrale des Yogas de Tantras les plus illuminés. Contempler signifie simplement observer le flux mental, le flux ordinaire des pensées en prêtant attention à son aspect spontané d’auto-libération. Chogyal Namkhai Norbu:
«La voie authentique du praticien du Dzogchen est la contemplation. En fait, ce n’est que lorsque nous sommes en contemplation que toutes les tensions du corps, de la voix et du mental sont finalement libérées sans effort; jusqu’à ce que nous atteignons cet état, et que nous y demeurions solidement, notre expérience de la “relaxation” sera incomplète. La contemplation peut être rapprochée d’une expérience de clarté ou d’extase mais cet état de contemplation est unique: c’est la présence immédiate de rigpa. (la Source Suprême)».
Il continue en disant que la contemplation dans le Dzogchen est cette même pratique qui est prescrite dans les techniques de non-réalisation – telles que le Zen et le Ch’an. Mais le Dzogchen, précise-t-il, place une accentuation spécifique sur l’état primordial d’attention pure et auto-libératrice, «non pas comme “un vide pur” mais plutôt comme doté de tous les aspects de la perfection pure de l’énergie».
L’action d’auto-libération et d’auto-perfection de l’attention pure (rigpa) est présente dans tous les moments de l’attention – qu’elle soit mondaine, confuse ou distraite.
Dans le style traditionnel des Dakinis, Vajrayogini brandit un couteau pour écorcher qui est doté d’une lame en large croissant – de la sorte utilisée pour écorcher les carcasses des animaux. C’est l’un des instruments de la panoplie Kaliesque – dans son casino charnel. C’est également le symbole de l’action qui tranche le mental, le symbole de l’estocade habile d’incision chirurgicale au sein du flux mental. J’ai la sensation (partagée par d’autres qui suivent ces cycles d’Instruction de Dakini avec moi) qu’une lame me tranche le coeur, ainsi que ma sphère mentale-émotionnelle, en altérant mes pensées les plus subtiles et les plus intimes concernant l’amour, l’attachement, le désir, la compassion, l’ego – et tout ce qui n’est pas l’ego. L’intervention de cette Dakini de Ciel de Diamant est palpable et palpitante. Elle confère un sentiment revigorant de soulagement et de libération. Lorsque je contemple une situation donnée d’imbroglio émotionnel, je découvre alors que je ne peux plus simplement la considérer comme auparavant. Quelque chose déchiquète mes pensées troublées et confuses en ne laissant qu’un sens cristallin de détachement et d’exultation. La finesse de la lame de Vajrayogini me coupe de mes attachements et me laisse libre d’aller avec le flux de libération, libération, libération.
L’Instruction de Vajrayogini, que j’ai maintenant détectée ainsi que d’autres, est claire et explicite quant à ce point essentiel: on ne peut se libérer des attachements émotionnels sans la compassion.
Aucun attachement émotionnel ne peut être libéré sans de la compassion.
Formulation entraînée
Cette affirmation en gras n’est pas une transcription directe d’une Instruction de Dakini – en contraste avec «tu ne peux rien devenir d’autre que plus beau», qui en est une. Je n’ai pas élaboré mentalement la syntaxe de cette affirmation poignante et transparente – c’est du moins comme cela que je la qualifie. Elle me parvint simplement, en un éclair, et au moment où elle s’enregistra en mon mental, je fus intensément conscient qu’il ne s’agissait pas d’une d’élaboration de mes propres processus mentaux. La réception fut sans effort et immédiate, éclatant dans mon flux mental avec la spontanéité fulgurante de la Sagesse de Dakini. Il n’en est pas ainsi avec l’affirmation mise en exergue ci-dessus. Je distingue précisément la syntaxe cristalline et pure, de l’Instruction de Dakini, de ce que j’appelle une formulation entraînée – une instruction collatérale.
“Aucun attachement émotionnel ne peut être libéré sans de la compassion”: c’est la syntaxe de John Lash, c’est ma propre formulation mentale et grammaticale mais fondée sur ce que je sens être l’intervention subtile de la sagesse transpersonnelle dans mon flux mental. L’instruction de Vajrayogini est présente mais le tranchant de sa lame est si tangent de mes contours mentaux que je puis, à peine, distinguer son penser du mien. Tout ce que je suis capable de faire, c’est de formuler des mots fondés sur l’entraînement de son instruction. J’en conclus que pour recevoir l’instruction de Vajrayogini, dans la spontanéité nue et pure de son parler crépusculaire – de sa syntaxe subliminale – il me fallait maintenir un niveau d’attention parfaite et supérieure à ce que je puis accomplir, au meilleur de moi-même.
Cette Dakini, de par le fait qu’elle soit l’instructrice suprême du Yoga Tantra le plus Illuminé, requiert un degré concomitant de concentration que je ne peux pas encore atteindre et soutenir, de manière consistante. J’en suis donc réduit à communiquer une instruction collatérale plutôt qu’une instruction directe. Donc, attention au langage et à l’expression dans le reste de cet essai: c’est ma transcription d’une Instruction de Dakini – et non pas la dose directe.
Si, au cours de l’écriture, ce que je présente jaillit en instruction directe, je vous le laisserai savoir. Ou alors, ce sera évident, et je n’aurai pas besoin de….
Responsabilité
Je propose, pour la clarté du discours, de définir la compassion comme suit:
La compassion est la prise de responsabilité pour la manière dont vous traitez autrui. Non pas nécessairement la manière dont vous les affectez mais la manière dont vous les traitez – qui peut générer un impact consistant, correspondant à votre intention, ou un impact converti et correspondant à ce que l’autre personne interprète de votre intention.
Par exemple, si je me comporte avec une personne de sorte à la rendre heureuse et si elle est heureuse, l’impact de mon comportement est cohérent avec mon intention. Si par contre, cette personne réagit avec mépris, comme si je m’apitoyais sur son sort, c’est un impact converti. Cet impact converti ne correspond pas à mon intention projetée. Il est l’expression de l’interprétation de mon comportement en divergence, ou même en opposition, d’avec mon intention. Souvent, les gens disent: «tu me fais ressentir de telle manière ou de telle manière». C’est généralement l’admission d’un impact converti. Cela peut être aussi, cependant, un reflet authentique de son effet: j’ai l’intention d’humilier quelqu’un et il dit se sentir réellement humilié. C’est donc, dans ce cas, un impact cohérent. Nonobstant, généralement parlant, l’impact converti émane de la personne impactée – et non pas du comportement de la personne impactante. Il se peut que cela reflète le traitement reçu, mais d’une manière déformée.
Les impacts convertis peuvent être extravagants et, même, extrêmement pervers. Les gens peuvent vous accuser de les affecter selon des modes divers et variés qui n’ont rien à voir avec l’intention afférente à votre manière de les traiter. De cette expérience perturbante, vous pouvez apprendre deux choses: comment ajuster le style et l’expression de votre intention d’accomplir un effet désiré ou bien alors comment vous détacher d’une réaction qui ne reflète ni votre intention ni la manière dont vous l’avez exprimée.
De cette formulation concernant la cohérence de l’intention et de l’affect, j’en arrive à un autre principe inhérent à la compassion: la transparence de l’intention. Cela veut dire que vous êtes totalement ouvert et transparent quant à votre intention pour autrui dans la manière de le traiter. Il n’existe alors ni dissimulation, ni duplicité, ni action oblique, ni programme caché. Vous pouvez alors révéler votre intention exacte dans la manière dont vous traitez une personne.
La compassion irradie dans la transparence de l’intention: donner les meilleures chances de réception, de la manière dont vous traitez une personne, par un affect cohérent – et non pas un affect inventé. Ce que vous donnez est exactement ce que vous voyez l’autre personne recevoir – et elle le sait aussi.
J’avais l’habitude de penser que la marque de la compassion était une vue désintéressée de l’expérience d’autrui: vous n’avez rien d’investi dans un individu et c’est ainsi que vous pouvez lui offrir un témoignage pur et détaché, un ressenti partagé avec le ressenti de l’autre – la com/passion. Aujourd’hui, en méditant sur la fusion du désir et de la compassion, je comprends que – malgré que le détachement puisse s’avérer un élément-clé de la compassion, dans certains cas – nous avons besoin, le plus souvent, d’apprendre et d’exprimer la compassion avec ces êtres humains avec lesquels nous avons quelque chose en jeu. Je suggère la syntaxe: les personnes dont nous désirons ensemble quelque chose. Je souhaite quelque chose avec quelqu’un – non pas seulement de quelqu’un, mais avec.
Lorsque j’admets que je désire quelque chose avec une autre personne, c’est l’occasion de percevoir la compassion d’une manière spécifique – cohérente avec l’Instruction de Vajrayogini. Cette admission constitue le second élément dans la formule de libération, après avoir assumé la responsabilité quant à la manière de traiter autrui.
Lorsque je veux quelque chose avec quelqu’un d’autre, j’ai un investissement dans cette personne. Je pensais, auparavant, que la compassion ne pouvait pas s’appliquer lorsqu’il existait un quelconque investissement en jeu. Maintenant, je perçois qu’elle doit même s’appliquer plus intimement, plus puissamment, dans un tel cas. Et cela fonctionne dans les deux sens: la compassion est l’attention que j’amène à ce que je désire avec quelqu’un d’autre tout autant qu’à ce que cette personne désire avec moi. C’est sur cet accord – s’il peut être ainsi stipulé et élaboré – que repose le dialogue du désir.
La compassion ne peut pas émerger entre deux personnes en relation intime sans le dialogue du désir – chacun admettant ce qu’il/elle veut avec l’autre. Ultimement, une conversation qui engendre la compassion est une conversation au sujet de la compassion – recadrée dans la situation ou la relation que ce désir a créée.

C’est, pour le moment, ma formulation entraînée de l’instruction de dakini émanant de Vajrayogini sur la fusion du désir et de la compassion.
La formulation continue:
En compassion, vous pouvez reconnaître, respecter et permettre ce que l’autre personne désire avec vous – même si vous n’exaucez pas son désir. Et vice versa.
Une grande partie de l’horrible destruction dans les relations est due à des attentes non exaucées, à des désirs qui ne sont ni déclinés, ni satisfaits et à des choses manquantes qui ne sont ni offertes, ni garanties. Mais cette destruction peut être considérablement minimisée grâce à une admission mutuelle de ce que l’on souhaite de l’autre – tout en acceptant qu’il soit possible que l’on ne l’obtienne pas. Le point est de l’admettre, d’avoir le désir connu des deux partenaires – celui qui le désire et celui qui est sollicité pour le satisfaire. Rester en relation avec une personne, qui ne satisfait pas votre désir, peut être un test de compassion mais terminer une relation, en raison du fait que le désir n’est pas satisfait, peut également être accompli avec compassion. C’est alors que la formule conduit à un moment unique de vérité et de détachement: la libération émanant de la compassion. La libération est le troisième et final élément dans cette formule.
Compassion Engagée
Dans le dialogue du désir, chaque individu déclare, sur un mode non exigeant, ce qui est désiré avec l’autre individu. Rien n’est caché, rien n’est déguisé, il n’existe pas de tentative d’obtenir quelque chose de l’autre d’une manière manipulatrice ou cachée. La transparence du désir amène à une admission ouverte, à une admission mutuelle. Ainsi, deux points de la formule sont clairs, le second étant à double charge: tout d’abord, responsabilité pour la manière dont vous traitez autrui; ensuite, transparence du désir et admission de ce que vous désirez avec l’autre personne.
Et cela devient maintenant encore plus intéressant. La question est la suivante. Une fois que vous révélez votre désir avec une autre personne, non pas comme une exigence mais comme une admission ou une invitation, et qu’il est clairement évident que vous n’obtiendrez pas satisfaction de ce désir – car ce n’est pas le désir de l’autre d’exaucer le vôtre même s’il le reconnait – que faites-vous? Comment vous libérez-vous, dans la compassion, d’une situation par laquelle votre désir n’est pas satisfait par l’autre personne présente dans cette situation?
De contempler juste la fusion de la compassion et du désir, de maintenir cette expression mentalement, constitue déjà un remarquable exercice en métamorphose mentale. Car elle associe la compassion -normalement considérée comme une attitude transpersonnelle et désintéressée – avec la plus intime et la plus consumante des émotions égoïstes, le désir. Et il s’agit, en fait, de plus qu’une union: à la pointe de l’Instruction de Dakini, Vajrayogini enseigne que:
La compassion, sous sa forme la plus exaltée, dans l’unité du Yoga Tantra le plus Illuminé, est complémentaire du désir et elle est accomplie, ultimement, au travers du désir, qu’il soit satisfait ou non.
C’est un enseignement extraordinaire, différent de tout ce que j’ai pu trouver dans le Bouddhisme, même dans les extrapolations non orthodoxes du Tantra – telles que celles de Michel Odier et de Lama Yeshe.
Ce n’est pas mon enseignement, la sagesse particulière de John Lamb Lash, mais une approximation d’Instruction de Dakini par laquelle je suis en train de passer – avec quelques autres personnes qui suivent couramment ce cycle de shakti lunaire du 23 juin au 22 juillet 2009. Quelle libération! Je suis touché de recevoir cette réalisation, et de la vivre personnellement dans ma vie, moment par moment, au fil de sa réception.
L’année passée, le cycle de Vajrayogini (du 4 juillet au 1er août) fut le théâtre de trois développements majeurs dans ma vie. Je fus contacté par une femme, au travers du site de la Métahistoire, qui devait devenir ma Shakti et agir en tant que co-initiatrice du Tantra Planétaire; je reçus et accomplis le rituel de Dakini de l’addiction sur Infinity Ridge; et je vécus le Moment de la Ronda (dans cet ordre chronologique). En révisant ce cycle, j’ai suggéré que: «cette Dakini de Ciel de Diamant représente une puissance particulière de la Shakti Planétaire, Gaïa-Sophia, le point focal des propriétés de purification et de guérison de la Lumière Organique dont elle est un icône cinétique ou une image animée». Ce que je vis actuellement témoigne, sans ambages, des facultés d’éclaircissement et de guérison de cette devata.

En tant que pratique du Yoga Tantra le plus Illuminé, le Bouddhisme Tibétain prescrit des méditations sur le yidam, ou sur la divinité tutélaire, par le biais d’une visualisation graphique ou holographique. Le yidam peut être un Bouddha en fusion sacrée avec sa parèdre (yab-yum) ou une dakini solitaire telle que Chinnamasta, la Mahavidya qui se tranche la tête, ou bien encore Vajravarahi, la manifestation à tête de sanglier de Vajrayogini. Cette technique dérive de cultes Dravidiens pré-Bouddhistes de vénération de la déesse qui sont centrés sur la figure érotique de ista-devata. Ista-devata est souvent représentée ou reflétée par une vraie femme, une devadasi, une partenaire tantrique, une courtisane de Temple – en langage cru, “une prostituée sacrée”.
Les 18 divinités féminines du Nexus des Shaktis sont des yidams, ou ista-devata, des nexus rayonnants de Divin Féminin en forme imaginale.
La simple contemplation de l’une de ces devatas – lorsque l’on prête une attention spéciale à ses pouvoirs et à ses attributs – charge et imprègne la psyché avec ces forces mêmes dont son image est prégnante. Le processus opère de la même manière qu’un logo commercial ou qu’un icône de publicité charge et imprègne la psyché des consommateurs en les poussant non seulement à acheter le produit mais à devenir religieusement loyal à la marque!
Si des astuces bon marché de publicité peuvent faire cela, à savoir entraîner et contrôler le comportement humain avec une telle efficacité – en capturant et en commandant le désir du client – imaginez quelle empreinte surnaturelle sublime puisse laisser une telle devata du Nexus des Shaktis.
A ce jour, selon mon expérience, la contemplation du yidam de Vajrayogini charge le psychisme de la sagesse de son instruction spécifique sur la fusion du désir et de la compassion. C’est ma vision personnelle et novatrice, en tant que Kalika, et je l’introduis en tant que telle. Aucun enseignement Tibétain n’inclut l’élément du désir dans les permutations fusionnelles impliquant la compassion, l’extase, le vide, l’apparence et la sagesse. Mais une fois que le désir est factorisé dans les unions, la compassion en acquiert un visage différent – une amplitude plus inclusive. Le tranchant le plus profond du désir touche le coeur de la compassion. Antérieurement, j’avais compris que la compassion était ôtée de tout investissement dans la personne bénéficiant de cette compassion. Il peut en être ainsi dans un cas très limité de compassion. Mais imaginez une compassion qui pénètre pleinement toute relation de désir, toute liaison concevable et toute forme d’attachement que le désir suscite. C’est la compassion qui demeure sur le tranchant de la lame de Vajrayogini. C’est une compassion engagée.
Seul le désir qui est pleinement engagé dans la compassion peut être libéré – permettant la libération de celui qui désire – mais pas forcément celle dont quelque chose est désiré.
Le Quatrième Composant
Je désirais quelque chose avec femme – et elle ne me l’a pas donné. Pour être libéré de cette femme et ce que je désirais avec elle, je dus découvrir la compassion d’une manière qui m’était totalement inconnue, totalement nouvelle et surprenante. La manière dont je la trouvai fut subtile mais évident, cependant. En suivant les instructions de Vajrayogini, j’ai formulé les facteurs de responsabilité, de transparence et de dialogue (admission du désir). Mais quelque chose manquait encore. Je ressentais que la formule n’était pas complète. Il existait un quatrième élément.
J’écris tout cela alors que je le vis…
Jour 19 du cycle de Vajrayogini. 11 juillet 2009. Andalousie.